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La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.

LE BLOG DE LISE PRAT-CHERHAL

Un clip et un matelas (Partie 3).

Un clip et un matelas (Partie 3).

 

Ce jour-là, Morvan et moi-même avions noté en gras dans nos agendas respectifs : tournage d’images explicites mais belles. 

Pour rappel, il s’agissait de réaliser des plans en mouvement, dévoilant différentes parties de nos corps dénudés pour les insérer sur le fond vert du clip de « Dis comment Tu Ken ? ». 

(pour plus d’information sur la genèse de cette idée de génie, consulter l’ épisode « Un clip et un matelas, 1ère partie » en cliquant ici: http://lizcherhal.over-blog.com/2021/02/un-clip-et-un-matelas-ou-l-inverse-1ere-partie.html)

Nous avions comme consigne du réalisateur, François, de tourner ces plans sur un drap blanc, devant un mur blanc. 

Puisque nous avions quelque temps auparavant réalisé nous même des cloisons en placo-plâtre dans notre maison pas finie, nous avions à notre disposition plusieurs cloisons flambant neuves et donc plusieurs possibilités de lieux de tournage dans notre propre domicile : la cuisine, la chambre, les toilettes et la buanderie. 

A mon sens, la cloison la plus adéquate pour ce tournage était celle que nous avions érigée dans notre cuisine : une cloison blanche et magnifique de 4 mètres de largeur sur 3 mètres de hauteur qui contenait deux ouvertures. 

Elle était d’autant plus réussie qu’elle était notre toute première œuvre au sein de ce chantier, si tant est qu’on considère la totalité de nos travaux domestiques comme des œuvres à part entière. 

Cette cloison c’était le début de nos travaux, et au début, on rigolait beaucoup sur le chantier avec Morvan. 

Cette cloison étincelait de bonnes ondes car elle avait la particularité d’avoir été construite dans la joie, les blagues fines et les rires perpétuels. 

C’était ça l’ambiance au début du chantier. 

Les semaines passant, curieusement, nous rigolions un peu moins sur ce même chantier. 

Et les semaines passant encore, bizarrement, nous ne rigolions plus du tout. 

Parfois même je poussais le bouchon à faire carrément l’inverse de rigoler, et tout en essuyant mes larmes avec ses mains pleines de poussières, de peinture et d’enduit, Morvan me promettait que tout allait se finir dans les temps et que globalement tout allait bien se passer. 

Mais au moment de la première cloison, résonnaient les rires et s’enchaînaient les blagues. 

J’avais, à ce moment-là, avec un large sourire poncé et re-poncé les bandes de joints des heures durant de sorte qu’on ne voyait plus aucune jointure entre les plaques de placo. 

Et j’étais tellement heureuse de cette nouvelle activité qu’il me vint même à l’esprit de mettre fin à la carrière de notre groupe 28Saphyr pour nous adonner à 100 % à une entreprise que nous pourrions créer : 28Plaquiste. 

Cette idée est restée à l’état d’idée, mais vu la conjoncture actuelle et notre carrière qui s’enfonce dans un gouffre noir, profond et puant, je me dis qu’il faudrait peut être y re-songer sérieusement. 

Bref, cette toute première cloison, c’était la cloison de la joie et de l’amour. Elle était absolument parfaite et méritait amplement de rentrer dans l’histoire en devenant un fond blanc pour un tournage. 

Etant située dans la cuisine, cette cloison se trouvait au centre névralgique de la maison, maison qui était, il faut bien le reconnaître, un genre de moulin où aucune farine n’était actuellement produite, mais d’où allaient et venaient perpétuellement différentes sortes de personnes, à savoir : 

- de la progéniture en veux tu en voilà, tu n’en veux plus tu en as encore

- des collègues désespérés par nos situations professionnelles respectives qui avaient besoin de parler

- des amis au bord du gouffre et de la séparation ayant besoin d’une écoute et de boire du vin en veux tu en voilà, tu n’en veux plus mais Morvan va te resservir

- d’autres collègues (plus rares, il faut bien le dire) pleins d’énergie et d’idées ayant besoin de main d’oeuvre pour mener à bien leur nouveaux projets

Ces allées et venues incessantes dans notre logis me réjouissaient la plupart du temps, mais de temps en temps, lorsque mon moral était si bas qu’il m’encourageait à créer une entreprise de géothermie, ces visites impromptues me donnaient envie d’aller vivre dans un couvent pour toujours. 

Tout cela pour vous dire qu’il n’était pas vraiment envisageable de tourner nos scènes belles mais explicites dans une cuisine où n’importe qui pouvait arriver à n’importe quel moment. 

Notre choix de lieu de tournage se porta donc sur un autre endroit, un endroit où même si quelqu’un venait à pénétrer la maison par la porte de la cuisine, par la porte d’entrée ou même par une fenêtre, nous serions tout à fait en mesure de faire comme si nous n’avions rien entendu. 

Cet endroit, c’était notre chambre. 

Les murs de notre chambre avaient également été construits par nous même à base de placo-plâtre. 

Malheureusement, le chantier de cette cloison avait été effectué à une époque où je n’avais pas du tout envie de rigoler et pas du tout envie d’y passer des heures.

Le résultat n’était donc pas au rendez-vous et les bandes de joints étaient absolument dégueulasses … (enfin, dégueulasse, ce n’est pas grand-chose à côté des joints catastrophiques des toilettes que je fis alors que j’étais en période de désespoir avancé … il me semble même, vu le résultat, n’avoir même pas été capable de faire la dernière passe, vous dire à quel point j’étais proche de l’Ohio à l’heure de la création de cette cloison).

Mais cloisons dégueulasses ou cloisons pas dégueulasses, il nous fallait des images sur fond blanc et nous allions les faire « quoi qu’il en coûte ». 

Nous choisîmes donc de tourner dans notre chambre même si on y voyait très bien les raccords entre les plaques. 

Nous poussâmes notre lit afin qu’il touche la cloison blanche mais dégueulasse et nous le recouvrîmes du drap que nous avait prêté François. 

Notre chambre, située au dessus de la cave très humide, est la pièce la plus froide de la maison. Nous nous en accommodons la nuit grâce à la présence d’un millefeuille de couverture, mais là, pour un tournage dénudé, il fallait faire monter la pièce en température et vite. 

J’eus alors l’idée d’aller chercher un radiateur soufflant et l’installai dans un coin de la pièce. C’était une excellente idée visiblement puisque, le tournage ayant eu lieu il y a plusieurs mois maintenant, ce soufflant s’y trouve toujours et est mis en marche régulièrement (ce qui fait souvent sauter les plombs et met la totalité de la maisonnée dans l’obscurité). 

Nous revêtîmes nos costumes (ce qui en réalité consistait à se dévêtir), Morvan prit l’appareil photo-caméra et nous commençâmes le tournage. 

Enfin, nous ne commençâmes pas vraiment le tournage mais nous commençâmes plus précisément les tests caméra et les réglages de l’appareil. 

C’est ainsi que commencent les tournages. 

Normalement, sur les tournages, ce sont les doublures qui sont sur le plateau au moment des réglages parce que les réglages, c’est vraiment très chiant. 

Mais sur ce tournage, dans un souci économique, nous étions nos propres doublures. 

Morvan parvint rapidement à trouver les bons réglages. Je salue ici son professionnalisme et sa rapidité qui nous permettent très régulièrement d’écourter largement les moments où on est susceptible de s’emmerder beaucoup. 

Il me filma, il nous filma, je le filmai, il se filma et ceci en essayant toujours de ne pas laisser apercevoir nos visages ce qui permettrait de laisser le doute quand à l’identité des personnes à poil sur cette vidéo. 

Doute que je viens néanmoins de lever moi-même en écrivant cet épisode. 

Mais peu importe. 

Au bout d’une demi-heure de tournage, Morvan décida qu’il y avait assez d’images pour habiller un clip de deux minutes. 

J’étais satisfaite que ce soit fini car je n’aime pas trop bosser à poil. Surtout pour un salaire équivalent à zéro. 

Nous nous rhabillâmes, et Morvan me dit qu’il allait maintenant s’atteler à la deuxième partie de son travail à savoir : regarder les rushs, y faire un peu de ménage et un pré-montage pour faciliter le travail de François par la suite. 

Avant de sortir de la cuisine pour se rendre dans son bureau, Morvan déclara fortement à travers la maison qu’il ne souhaitait absolument pas être dérangé pendant le dérushage, et ceci, sous aucun prétexte. 

Ceci étant fait, il me convia dans son bureau pour y admirer le résultat. 

C’était réussi. 

Mais du point de vue de l’anonymat, c’était raté puisque je nous reconnaissais carrément. 

Mais était-ce si grave ? 

A notre époque ? Je ne pense pas. 

Il fallait maintenant transmettre la globalité de cette session de travail à François : rushes + prémontage. 

Morvan me demanda si j’étais bien d’accord avec le fait que François ait accès à ces rushes. 

Je lui dis : 

- Bah oui ! Pourquoi ?

Et là, il me montra de façon complètement arbitraire, deux trois extraits de rushes où, la caméra qui allait et venait sans vraiment de contrôle avant des moments de tournage précis, dévoilait des parties de notre intimité, nos visages respectifs ou encore nos corps parfaitement dénudés dans des postures plus ou moins convenables. 

Ces images étaient des déchets de tournage, bien sûr, et ne seraient jamais dévoilées, mais elles faisaient actuellement partie de la session de montage, et quiconque allait monter ces images, allait voir tout ça.

Morvan souhaitait donc savoir si j’étais ok avec le fait que François ait accès à ces images. 

La situation méritait attention. 

Je pris une minute vingt pour réfléchir à ce sujet avec moi-même, ma conscience et mon auto-respect . 

Je lui répondis que si François avait tourné ces images avec nous, je pense que j’aurais été très mal à l’aise d’être nue devant lui. 

Je pense qu’il aurait été lui aussi très mal à l’aise et je pense que c’est d’ailleurs pour ça qu’il ne nous a pas proposé un seul instant de nous filmer lui-même. 

C’eut été trop gênant pour nous tous. 

Mais maintenant que c’était fait, est ce que ça me posait problème qu’il voie ces rushes ? 

Franchement, pas vraiment. 

L’important pour moi c’était de ne pas être présente au moment où il aurait besoin de les regarder ces rushes. Le reste ne m’importait guère. 

Décision fut donc prise de lui confier la totalité des rushes ainsi que notre future intégrité physique. 

Ainsi nous partîmes chez François pour lui déposer fièrement le résultat de notre travail du jour. 

En arrivant devant la porte de chez lui … (la suite au prochain épisode, ce sera la quatrième et dernière partie de cette épopée sans fin qui finalement en aura une). 

En attendant de vous l’écrire, je vous embrasse, le temps est très long, je perds parfois espoir de remonter sur scène un jour. Je vous remercie par avance pour vos pouces levés et vos commentaires toujours appréciés qui mettent du baume à mon coeur de tigre. 

A la semaine prochaine pour la partie 4. 

Liz 

 

 

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