La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
29 Mai 2021
Alors que les salles de spectacle étaient désespérément fermées, et que nous nous en accommodions tant bien que mal puisque nous n’avions pas le choix, j’eus la grande joie d’être invitée au filage de sortie de résidence d’un groupe que j’aime beaucoup : Chi Kung Pelouse.
L’invitation me parvint par e-mail, de la main même du chanteur du groupe et était destinée aux professionnels de la profession du spectacle vivant, c’est à dire aux professionnels n’ayant plus actuellement de profession dans le spectacle vivant.
J’étais très enthousiaste à l’idée d’assister à ce concert car cela faisait des mois et des mois, comme tout un chacun que je n’avais assisté à aucun concert, d’aucune sorte en compagnie d’aucun professionnel d’aucune profession.
Ma vie était ainsi devenue bien fade mais c’était ma vie, je ne pouvais pas actuellement la changer et je devais donc l’accepter en tant que telle pour être heureuse.
(Car si vous êtes un lecteur assidu de mon blog vous savez que je ne sais rien à part une chose : pour être heureux dans sa propre vie, il faut acceptez ce qu’on ne peut pas changer. C’est un fait avéré. Je fais ceci depuis de nombreux mois et croyez-moi, j’en tire d’excellents bénéfices).
Le matin, de ce concert, alors que j’étais comme à mon habitude, seule dans mon salon à faire mon entraînement de danse quotidien, je reçu un coup de téléphone de Jérôme, mon sonorisateur, qui me sonorise bien peu en ce moment, il faut bien le dire.
Il me dit :
- Salut, je viens d’appeler Morvan, alors je me suis dis, maintenant j’appelle Lise !
C’était une suite tout à fait logique.
Après les prises de nouvelles d’usage, il me dit :
- Hey, tu sais quoi ? T’es dans le journal.
Allons bon, moi je savais très bien que je n’étais pas dans le journal puisque j’étais dans mon salon, mais je n’ai pas pour habitude de contrarier Jérome qui, en règle général, est une personne très fiable.
Il ajouta alors :
- T’es en photo dans le journal.
Ah ! Tout s’expliquait. Le monde ne tournait donc pas si mal.
Il ajouta encore :
- C’est une photo de 28Saphyr sur la scène de Stéréolux.
De mieux en mieux.
Il venait donc de m’informer qu’une photo de Morvan et moi-même qui avait été prise lors de notre concert de fin de résidence à Stéréolux venait d’être diffusée dans un journal.
Ce concert auquel avait d'ailleurs assisté le chanteur de Chi Kung Pelouse puisque je l'y avais invité, avait eu lieu en Juin 2020 et était, comme tous les concerts à ce moment là :
- en jauge réduite,
- en pleine journée
- et exclusivement réservé aux professionnels de la profession puisque les concerts normaux étaient interdits, je vous le rappelle, au cas où vous l’auriez oublié, contrairement à moi.
Je lui dis :
- Ah bah ça c’est cool !
Ça nous faisait un peu de promotion et ceci sans avoir fourni le moindre effort.
Et ça, c’était vraiment bien.
Nous étions dans un journal sans que j’ai eu besoin de passer par la case « liz-tu-dois-répondre-aux-questions-du-journaliste-même-si-tu-as-déjà-répondu-18-fois-à-ces-questions-puisque-ce-journaliste-pose-les-mêmes-questions-que-les-autres-journalistes».
Et ne voyez pas dans mes propos une critique des questions de journalistes.
Non, il est bien normal que les journalistes posent très souvent les mêmes questions.
En effet, ils sont journalistes, ils posent donc des questions de journalistes.
Et d’un journaliste à un autre journaliste, les questions de journalistes restent des questions de journalistes.
Donc d’interview en interview, les journalistes changent, mais les questions restent les mêmes.
C’est tout à fait normal.
Le contraire, lui, serait anormal.
D’ailleurs, le jour où un journaliste me posera une question qui ne sera pas une question de journaliste, je me poserai vraiment des questions.
Ce sera vraiment bizarre le jour où un journaliste me posera une question de … une question de … une question de quoi ? …
Et bien ce sera vraiment bizarre le jour où un journaliste me posera une question de psychothérapeute par exemple :
- Vous le situez à peu près quand le début de votre dépression ?
Oui, ce sera vraiment bizarre.
Ou alors une question de coiffeur :
- Avec quoi vous lavez vos cheveux ?
Très très bizarre.
Ou alors une question de courtier en prêt :
- Mais vous n’avez eu que ça comme revenus en 2020 ?
Complètement bizarre.
Ou alors une question de ma mère :
- Quand est-ce qu’on se voit ?
Ou bien une question d’adolescent qui vit sous mon toit :
- Qu’est ce qu’on mange ce soir ?
Ou une question de Morvan :
- Je te ressers du vin ?
Oui, le jour où les journalistes cesseront de poser des questions de journalistes, ce sera vraiment très très bizarre.
Tout ça pour dire qu’il est tout à fait normal que les journalistes posent les mêmes questions, mais moi quand je peux bénéficier d’une promotion dans un journal sans avoir passé du temps à répéter mes mêmes réponses, j’ai vraiment l’impression d’avoir gagné du temps.
Et l’équation : promotion + satisfaction d’avoir l’impression d’avoir gagné du temps (ou du moins de ne pas en avoir perdu) c’est vraiment tout bénéf !!!!
Il y avait donc eu de la promotion faite autour de 28Saphyr et ça ne m’avait demandé aucun effort (si ce n’est les efforts que j’avais fait le matin même en dansant dans mon salon, mais ces efforts n’avaient en tout état de cause aucun rapport avec la dite promotion).
J’étais satisfaite.
Vraiment très satisfaite.
Mais ma satisfaction fut de courte durée.
Jérome coupa net mon état de grâce en me disant :
- Il y a votre photo, mais il n’y a pas votre nom de groupe.
Oh non !
Nul !
Sans notre nom de groupe, on était au niveau zéro de la promotion.
Je crois même qu’on était au moins un.
Heureusement alors, que cette promotion qui en réalité n’en était pas une ne m’avait pas trop occupée. Sinon, j’aurai été très déçue, voir un peu énervée.
Mais là, vu que je n'avais absolument pas été sollicitée, cette non-promotion me glissait dessus, telle une pluie en plein mois de mai.
Il y avait donc notre photo dans ce journal, mais aucune mention de notre nom.
Bon … la vie est ainsi faite … du moins, ma vie est ainsi faite et je l’acceptais sans sourciller.
Mais si nous étions en photo dans ce journal pour illustrer un article qui visiblement ne parlait pas de nous, de quoi pouvait-il bien ?
La question méritait d’être posée.
Si j’étais en photo pour illustrer un article, j’espérais vivement être en accord avec ce que défendait l’article en question.
Sinon, ce serait un peu fâcheux, et je serai donc un peu fâchée.
Jérome m’informa qu’il s’agissait d’une tribune signée par différents professionnels de la profession du spectacle vivant qui réclamaient la ré-ouverture des salles de concerts.
Ah c’était donc ça.
De fait, prendre une photo de scène de 28Saphyr pour illustrer cet article n’était donc pas complètement délirant ni complètement à côté de la plaque de placo, contrairement à moi, au moment où j'écris ces mots.
Jérome m’envoya le lien internet pour me prouver tout ce qu’il venait de me dire, mais comme je n’étais pas abonnée au journal en question, je n'avais pas accès à l'article en entier même si nous en étions l’illustration. Je n'ai donc pas pu lire le texte qui accompagnait notre photo.
Il me dit alors :
- Mais t’étais pas au courant ?
Non, je n’étais pas au courant.
Il me demanda :
- Mais est-ce qu’il y a le droit d’utiliser une photo de quelqu’un sans lui demander son accord ?
Alors ça ! Excellente question.
Dans la vraie vie, je sais que non, on n’a pas le droit d’utiliser une photo de quelqu’un sans lui demander son accord.
Mais dans la vraie vie d’une vraie chanteuse normale … quel est le règlement ?
N’ayant jamais été confrontée personnellement à ce sujet, puisqu’en général, quand je me retrouve en photo dans un journal, je suis au courant et je suis d’accord, je n’en savais strictement rien.
Mais vraiment rien du tout.
A ce moment-là de la conversation, nous convînmes avec Jérôme de nous renseigner auprès de personnes plus compétentes que nous à ce sujet afin de trouver une réponse claire à cette question.
Curieusement, cet épisode a eu lieu il y a un mois environ, et nous n’avons toujours pas trouvé la réponse. Peut être ne l’avons nous pas cherché suffisamment ardemment.
Allez savoir.
Nous conclûmes alors la conversation et nous nous rassurâmes mutuellement en nous disant que, même si nous ignorions précisément ce qui était écrit dans cet article, nous n’allions pas forcément être reconnus puisque la photo nous présentait en pieds, ce qui rendait nos visages assez petits, surtout quand on regardait la dite photo sur un écran de téléphone.
Je me rassurai supplémentairement moi-même en me disant qu’il s’agissait simplement d’une photo de concert pour illustrer un article qui visiblement parlait de concerts, ou plutôt de l’inexistence de concerts et que même si nous n’avions pas été consultés pour associer notre image à cet article, je ne voyais pas quel genre de préjudice celait pourrait nous causer.
Non, vraiment ce n’était pas bien grave.
Pas grave du tout.
Ce qui aurait pu être grave, ça aurait été d’utiliser mon image pour illustrer un article avec lequel je n’étais pas du tout d’accord, comme par exemple, une campagne anti-ivg, ça, ça aurait été très très grave.
Mais là, on était vraiment très très loin de la campagne anti-ivg. Vraiment très très loin.
Donc tout allait très bien.
Ainsi, nous raccrochâmes et je me préparai à partir avec Morvan au concert de Chi Kung Pelouse, puisque c’était ça que je voulais raconter au départ.
Mais, visiblement, le coup de fil de Jérôme, m’a fait digresser.
Et comme cet article est présentement suffisamment long, et que j’ai déjà utilisé la totalité de mon quota d’adverbes, je vous raconterai la suite au prochain épisode.
Celui-ci sera publié la semaine prochaine, ou dans quinze jours, selon ma prolification (ce mot existe, inutile de chercher dans google).
D’ici là, je vous embrasse, tout va bien chez moi, à part le fait que mes connaissances du droit à l’image sont visiblement trop faibles et que le plafonnier de mon bureau ne fonctionne plus. Ces deux faits n’ont pas véritablement de liens si ce n’est qu’ils sont mes deux préoccupations actuelles.
A très bientôt,
Lise