Pour l'amour de l'art ou du salariat, j'étais prête à traverser la France - Partie 2

Quelques jours plus tard, je reçu un message d’Air France qui m’annonçait que mon premier vol entre Bâle-Mulhouse et Paris du dimanche matin avait été annulé.

C’était fâcheux.

Ils en étaient désolés, et s’excusaient du contre-temps, mais là, très franchement, je n’en avais que faire de leurs excuses

Ils me proposaient de me réserver une place sur un autre vol.

C’était très gentil mais ce vol partait plus tard, il arrivait donc plus tard à Paris et me faisait de fait, louper ma correspondance entre Paris et Rennes qui m’aurait normalement fait arriver à 13h15.

Et ça, c’était vraiment nul.

Ils me proposaient alors une autre correspondance qui me faisaient arriver à Rennes à 14h20.

Pour être sur scène à 15h. Sachant que les vingt minutes de route entre l’aéroport de Rennes et le lieu de notre spectacle existaient toujours.

Ce voyage en avion commençait à craindre sérieusement.

Je commençai alors à m’arracher les cheveux touffe par touffe.

Bien évidemment, ce scalp n’a absolument rien résolu.

De désespoir, j’ouvris mon skype et j’appelai Nicolas en catastrophe.

Je lui expliquai le problème.

Il était embêté, vraiment très embêté.

Parce qu’on les connaît les avions, parfois ils arrivent à l’heure, mais parfois pas du tout, et là, les moindres vingt minutes de retard pouvaient compromettre totalement la représentation des « pirates attaquent ».

Et vingt minutes de retard en avion, ça arrive souvent … malheureusement.

(demandez à ma mère de vous raconter ses expériences avec les vols intérieurs, c’est assez folklorique, il me semble qu’elle n’a jamais de sa vie fait un trajet aller-retour sans qu’un de ces vols ne soit retardé ou tout simplement annulé ...je pense qu’elle a un très mauvais karma avec les avions. Pour ma part, j’ai pris l’avion une fois avec elle, pour aller visiter ma sœur et mon beau-frère à Toulouse et ce vol a eu 4 heures de retard. Je n’ai jamais repris l’avion avec elle depuis).

Nicolas me dit alors:

- Bon, tu arrives à l’aéroport, à 14h20, tu ne prends pas de bagage à récupérer en soute, j’envoie quelqu’un te chercher, vous quittez l’aéroport à 14h30, vous roulez 20 minutes, vous arrivez à la salle à 14h50, tu mets ton costume et tu sautes sur la scène à 15h. Sur le papier, ça marche.

Oui, sur le papier ça marche.

Tout marche toujours sur le papier.

Mais la vraie vie n’est pas faite en papier. La vraie vie est faite avec des écrans sur lesquels apparaissent des messages pour annoncer des retards et des annulations.

Elle est comme ça la vraie vie.

Il n’y avait aucun autre vol disponible ce jour-là qui me permettrait d’arriver plus tôt à Pacé.

Ne fallait-il pas mieux laisser tomber, me laissait errer en Alsace et faire appel à ma remplaçante Hélène pour le concert des pirates ?

C’est sur que la solliciter, c’était assurer nos arrières.

Mais c’était aussi compliquer la vie de tout le monde.

Vu qu’elle n’avait joué dans ce spectacle que deux fois, il y a deux ans, la solliciter c’était lui demander un gros boulot de préparation.

C’était aussi solliciter l’équipe pour faire des répétitions qui n’allait pas être rémunérées puisque pas prévues dans le budget de la date.

Bref, ce n’était pas une solution adéquate.

Riches de toutes ces informations, nous prîmes la décision que j’allais prendre cet avion qui arrivait à 14h20 et que nous allions tous croiser très fort nos doigts, nos jambes, notre foie et notre vésicule biliaire (pour ceux qui en ont encore) pour que tout ceci se passe au mieux.

Et là, vous vous demandez sans doute comment tout ceci s’est passé ? Et si j’ai réussi à être sur scène à 15h … ?

Et bien je ne peux pas vous répondre car 5 jours avant le dit concert des pirates, je reçu un texto absolument désespéré de Nicolas qui m’annonçait que l’organisateur avait décider d’annuler purement et simplement le concert des pirates.

Une chape de plomb me tomba sur les épaules.

On avait fait tout ça pour rien et je n’avais presque plus de touffes de cheveux à m’arracher …

En mon for intérieur, je me remerciais moi-même de ne pas avoir sollicité ma remplaçante Hélène pour cette date car elle aurait, elle aussi, travaillé pour rien …

Le travail inutile de Nicolas et moi était amplement suffisant.

Ainsi est la vie, la nôtre en tout cas.

Ainsi se termine cet épisode, entre désespoir et résignation.

Il me reste trois heures avant de devoir préparer un repas pour mon collégien, mon mari et deux autres enfants qui ne sont pas les miens mais qui ressemblent à mon mari, et 3 heures je pense que c’est le temps nécessaire pour essayer d’obtenir d’Air France le remboursement du billet d’avion que je ne prendrai jamais.

A très bientôt,

Lise Prat-Cherhal