La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
21 Mai 2018
Quand ce soir là, j’ai reçu la feuille de route pour le festival d’Avignon, j’ai d’abord cru à une erreur, ensuite j’ai cru à une blague et enfin j’ai cru avoir des problèmes de vue.
L’histoire nous apprendra que, malheureusement, il ne s’agissait d’aucun des trois problèmes mentionnés précédemment.
Nous étions jeudi, il était environ 22h et cela faisait déjà deux heures qu’avec Morvan nous étions en train de travailler pour l’entreprise.
(« travailler pour l’entreprise » : expression que nous utilisons pour qualifier toutes les tâches que nous réalisons quotidiennement pour le bon fonctionnement et le bon développement de "L’Alliance/la tournée" et "L'Alliance/l’album").
Ce soir là donc, nous étions sur le dossier Avignon 2018, dans la cuisine, pour laisser les personnes qui vivent à mi-temps avec nous profiter du salon.
Il y avait plein de choses auxquelles réfléchir, plein de choses à valider et tout ceci me faisait fumer la tête.
Pour rendre ce moment plus agréable nous décidâmes, en bonne intelligence professionnelle, d’ouvrir une des deux bouteilles de rouge qui nous avait été offertes par nos fans toulousains lors de nos concerts au Bijou (grand merci au passage).
Cette bouteille était délicieuse et nous a permis de finaliser les premiers points du dossier.
C’est à ce moment là que j’ai ouvert un mail de mon manager qui en ce moment ne compte pas ses heures (merci Nicolas, je t’aime).
Ce mail contenaient la feuille de route.
(maman, la feuille de route c’est un genre de planning de tournée qui nous indique précisément pour chaque concert : l’heure de départ, le lieu de rendez-vous, la durée du trajet, la composition de l’équipe, le type de véhicule utilisé, l’heure du repas, le lieu du repas, l’heure de balance, la durée de la balance, l’heure du concert, le nom de la première partie le cas échéant, l’hôtel où on dort, nos numéros de chambres, l’heure à laquelle on part le lendemain et où on part le lendemain).
Pour l'instant, pour le festival d’Avignon cette feuille indiquait simplement notre jour de départ (le 14 Juillet), nos jours de concerts (du 15 au 26 Juillet), notre horaire de concert (19h35), notre jour de relâche (le 19) et l’horaire de notre installation dans la salle et de la balance le 1er jour.
Et, à cette ligne-ci, il était indiqué la chose suivante :
Installation et balances: 15 Juillet de 5h à 9h.
5h ?
Une balance à 5h du mat ?
Pffff, c’est vraiment n’importe quoi.
Déjà, traverser la France de part en part en camion le 14 Juillet, c’est pas ultra attirant, mais quand en plus c’est pour aller faire une balance à 5h du mat, alors là j’ai presque envie de me mettre en grève.
J’avais vraiment du mal à encaisser cette information, et je me mis à espérer qu’il s’agisse d’une erreur.
Oui, c’était sans doute une erreur.
Il voulait dire 17h et ses doigts avait tapé 5h.
Mais je lui pardonnais tout de suite car je considère que faire des erreurs c’est ce qui fait de nous des êtres humains. Et comme dit mon fils : l’erreur construit le travail.
Ou alors c’était une blague.
Mais si c’était une blague, son humour était vraiment en train de devenir douteux.
C’est vrai, me faire une blague à moi, en ce moment, au sujet d’un dossier qui est extrêmement générateur de stress, c’était pas hyper malin.
Je décidais donc de le skyper pour en avoir le cœur net.
Oui à 22h30 (puisque je vous dis qu’il ne compte pas ses heures, et nous non plus d’ailleurs - enfin, on compte jusqu’à 507 et après on arrête de compter).
Mon manager, Nicolas, a tout de suite su pourquoi je le skypais et j’ai compris dans la seconde où son visage est apparu sur l’écran de mon MacBook Pro que cette feuille de route n’était pas une blague.
Oh non, nous allions vraiment faire une balance à 5h du matin après avoir traversé la France un jour de fête nationale.
Je ne savais pas s’il fallait mieux en rire ou en pleurer.
Dans le doute, j’ai pleuré et Morvan a rigolé en ouvrant la deuxième bouteille de nos fans toulousains bien aimés.
J’étais désespérée mais cette bouteille était vraiment excellente.
À ce moment précis de grande fragilité psychologique, un des enfants qui passait la soirée dans le salon est entré dans la cuisine afin de nous demander de le parrainer pour sa course contre la faim.
Alors qu’en règle générale je ne suis pas la dernière quand il s’agit de dépenser de l’argent pour des causes humanitaires, voire même d’aller faire des concerts gratos pour récolter des fonds qui servent à ceci ou à cela, là, présentement, et avec toute la sincérité dont je sais faire preuve sur cette page et dans la cuisine, j’étais assez peu préoccupée par sa course solidaire, mais comme j’avais bu un peu plus que ce que ma morphologie était capable d’encaisser, j’ai pris sa feuille de parrainage avec emphase et je lui ai promis de verser 1 euro par tour de course effectué.
Morvan qui visiblement avait un lien de parenté assez évident avec l’enfant en question a promis 2 euros par tour.
Cet homme est la générosité même.
Ainsi, nous avons tous les deux signé nos promesses de dons en lui demandant tout de même d’y aller mollo car il ne faudrait surtout pas qu’il se fasse un claquage.
L’enfant est parti, ivre, de fatigue, contrairement à nous. Et nous nous sommes remis à travailler pour l’entreprise mais ça n’a rien donné de bon vu l’heure indue et nos états respectifs.
Très sincèrement, j’en avais vu de toutes les couleurs dans ma carrière, et notamment à Avignon où il m’avait déjà été donné de jouer dans un garage, une salle de classe, une cantine aménagée ou encore dans une salle où les deux premiers rangs du public avaient les pieds qui ne touchaient pas le sol tant le gradin avait été construit à la va-vite.
Oh oui, j'en avais vu de toutes les couleurs à Avignon et j'avais joué par toutes les températures.
Mais malgré tout ça, et malgré la balance à 5 heure du mat, je suis très heureuse et très excitée de partir le 14 Juillet pour emmener L’Alliance dans ce festival que je connais bien, que j’aime particulièrement et qui va permettre à mon producteur de dépenser en 10 jours autant d’argent que ce que je gagne en une année, toutes activités confondues...
Et ça, c’est signe qu’il croit fort en moi !
Et c’est de très bonne augure pour la suite.
Je vous embrasse, Morvan non, il n’est pas dispo, il est en train d’organiser nos 15 jours de vacances post Avignon, car ça aussi ça fait partie de l’entreprise.
Liz