La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
23 Juillet 2021
Contre toute attente et sans annulations, la totalité de l’équipe de L’Alliance est montée ce midi dans un camion direction le 62.
Avant de quitter la maison, j’ai regardé sur google map où était notre premier concert.
On jouait le lendemain à Ambleteuse.
Et Ambleteuse, c’est vraiment très très haut dans la France.
J’étais rarement allée jouer aussi haut.
Et d’ailleurs, heureusement qu’on s’arrêtait à Ambleteuse car si on avait dû jouer plus haut qu’ Ambleteuse, on se serait retrouvé à jouer dans la Manche.
Et ça, ce n’est pas très pratique.
Ainsi, à 12h30, nous nous sommes rejoints mes collègues et moi-même, devant notre local de stockage et néanmoins de répétition (quand il est utile de répéter, ce qui fut peu le cas ces derniers temps) pour procéder au chargement du camion. Chargement qui serait inévitablement suivi d'un départ vers le nord de la France.
Devant ce local, je constatai d'emblée que le camion qui nous avait été alloué, puisque nous l'avions loué, n'était pas le camion que nous louions habituellement. Et je constatai également que le coffre de ce nouveau camion était nettement plus petit que le coffre de notre ex-camion.
Le coffre était plus petit mais la quantité de matériel dont nous avions besoin pour jouer L'Alliance, elle, n'avait pas du tout diminué.
Ceci nous promettait une très très bonne partie de Tetris !
Après les retrouvailles d’usage avec mes collègues où nous nous rendîmes compte que nous avions bien peu changé les uns et les autres contrairement à notre camion, tout le sujet fut de réfléchir à la meilleure manière de faire rentrer la totalité de notre matériel dans le coffre de ce nouveau camion.
Quand je voyais le nombre de choses à charger et la capacité du coffre, il était plus qu’évident que ça n’allait pas marcher. Cette tournée démarrait donc très bien.
Mes deux techniciens Philippe et Jérôme ne partageaient pas mon avis. Ils étaient persuadés que tout pouvait rentrer en l’état et suaient à grosses gouttes en chargeant nos flys dans un sens, puis en les déchargeant pour mieux les recharger en suivant une autre combinaison.
Leur foi en l’avenir était appréciable et elle avait souvent fait ses preuves mais là, la situation était vraiment très compliquée.
Habituellement, je suis plutôt d’un naturel positif, mais là, je ne croyais pas du tout à la réussite possible de leur entreprise.
Ne voulant pas les décourager, mais ayant besoin de vider un peu mon sac sur quelqu’un, je me suis alors approchée de mon collègue Guillaume qui attendait sur le trottoir pour faire passer ses flys de batterie dans le chargement et je lui ai glissé à l’oreille.
- Je n’y crois pas une seconde …
Puis je suis allée voir Morvan et je lui ai dit au même volume :
- Ça ne va jamais rentrer …
Sous couvert de réalisme, j'étais en train de faire preuve de beaucoup de négativité. Et pour moi, qui suis habituellement d'un naturel très positif même en cas de catastrophe sanitaire, me voir être aussi négative me surprenait moi-même.
Et ça me rendait un peu triste de me découvrir aussi négative sur ce coup-là.
A quoi m’avait servi toutes ces heures passées à écouter des podcasts de développement personnel pendant tous ces confinements, si j’étais aussi négative lors du tout premier chargement de camion depuis 9 mois.
(Oui, cela faisait 9 mois que nous n’avions pas joué l’Alliance …)
Comment était-ce possible que je sois devenue en si peu de temps une personne négative, il fallait tout de suite que je redresse la barre car on le sait, être négatif, ne rend absolument pas heureux et n'a jamais aidé à trouver des solutions pour charger correctement un camion de tournée.
Ainsi, plutôt que de charger le camion ainsi que l’atmosphère de toute ma négativité, je décidai prestement de mettre en pratique l’un des derniers exercices de développement personnel que j’avais appris dans un podcast et qui s’intitule : faire des pas vers l’impossible.
(l'impossible étant ici de réussir à charger le camion sans rien laisser sur le trottoir).
Cet exercice consiste à te demander, quand quelque chose te semble impossible, quelle est la plus petite action que tu peux faire, maintenant, pour tendre vers ce but, même si ce but te semble toujours impossible …
L’idée n’est donc pas d’aller directement au but, à savoir faire rentrer n'importe comment toutes nos affaires dans le camion, car de toute façon ça semble impossible.
Non, il s’agit plutôt de faire quelque chose qui nous approche de ce but même si on garde à l'esprit qu'on ne va peut être jamais atteindre ce but.
Est ce que ceci est bien clair ? Car dans ma tête ceci est bien clair ...
Cet exercice des petits pas vers l'impossible est à mon sens une bonne manière de passer à travers les difficultés car il permet d’être dans l’action plutôt que dans la râlerie et le découragement.
Je me mis donc à réfléchir à ce que je pouvais faire de petit, maintenant, pour faire avancer le chargement même si je gardais au fond de moi l'idée que ça n'allait probablement pas marcher.
Et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’eus une idée.
Je proposai aux collègues de sortir mon stand de clavier de son fly et de charger ce stand dans le coffre sans ce fly de protection qui était empli du dit stand mais également de vide puisque le stand était un peu biscornu.
Mon idée fut validée. Le stand fut chargé tel quel dans le camion et le fly du stand ainsi que son vide repartirent dans l’espace de stockage. Nous gagnâmes ainsi de l’espace dans le coffre et nous pûmes charger l’ampli guitare de Morvan
C’était toujours ça de pris.
Ceci étant fait, toute l'équipe emboîta inconsciemment mon pas vers l'impossible et nous nous mîmes tous à réfléchir à des petites solutions pour gagner des petits espaces.
Ainsi à nous tous nous proposâmes : l’empilement de valises d’habits sur la couchette de l’habitacle, le siège batterie dans le fly des pieds de batterie, les sacs personnels sous les banquettes passagers et la guitare de secours dans l’étagère au dessus de nos têtes …
Et comme ça, la totalité du matériel trouva sa place.
La totalité de l’équipe également. Nous avions atteint l'impossible.
ça m'a donné envie de pleurer.
Non, c'est faux, on est quand même en train de parler de charger un coffre de camion là.
Et même si je suis hypersensible, mon émotivité a certaines limites. Je n'ai absolument pas pleuré pour ça.
Et je n'ai pas pleuré non plus quand je me suis rendue compte qu'il nous restait même deux places assises dans l'habitacle, si toutefois l’envie nous prenait de prendre des autostoppeurs.
Et le camion démarra.
J’étais vraiment très contente de repartir enfin en tournée avec l'Alliance. Cela faisait neuf mois que ça ne m'était pas arrivée.
J'aurai presque eu le temps de faire un bébé pendant cette pause, mais je n'en avais pas eu envie du tout. Mon conjoint non plus. Nous étions très raccord sur ce sujet. Et ça c'est très important.
Au bout d’une heure de route environ, toute contente que j’étais de partir en tournée, il était évident que, dans ce camion extrêmement bien chargé, alors que nous roulions sur l'autoroute et que la vue était absolument sans intérêt, il était évident, dis-je, que je commençais bien évidement à m’emmerder.
Ce qui était bien normal car je m'emmerde toujours au bout d'une heure en camion.
Et là, je n'étais pas au bout de mon emmerdement car au bout d'heure de route, il nous restait encore 6 heures de route.
Je fis part à Jérome de mon ennui.
Jérome est notre régisseur de tournée et néanmoins technicien son.
Il s'emmerdait pas à ce moment-là puisqu'il conduisait.
Il me répondit :
- Il y a une télé et une ps4.
Une PS4 ?
Comme je n’étais pas un adolescent de sexe masculin de 15 ans, avoir une PS4 dans le camion ne résonnait pas pour moi comme une bonne nouvelle qui allait stopper mon emmerdement.
Et s’il y avait une télé, je ne me voyais pas du tout imposer à la totalité de l’équipe les programmes que je regarde habituellement chez moi à savoir : Faites entrer l’accusé et Chroniques criminelles. Exclusivement.
J’allais donc m’emmerder.
Morvan me dit alors :
- S’il y a une Ps4, on va pouvoir regarder des dvds.
Ah ça c’était cool !
Regarder des films sur des dvds, ça occupe, ça passe le temps. Ça fait arriver à Ambleteuse.
Je lui ai alors dit :
- Cool, t’as des dvds ?
Il me répondit :
- Non, et toi ? T’as dvds ?
- Non, lui dis-je, j’ai pas de dvds.
Car je n'en avais pas. Je pars rarement de chez moi avec des dvds. D'ailleurs, je ne pense pas avoir de dvds chez moi ce qui éloigne d'autant la possibilité d'en emmener quand on part en tournée.
Et personne d’autre dans le camion n’avait de dvds.
On n’allait donc pas regarder de dvds.
J’allais donc m’emmerder, mais ce n’est pas grave, car quand je m’emmerde, au bout d’un moment j’écris dans mon ordinateur que je m’emmerde, et au bout d’un autre moment, ça fait un épisode de mon blog.
Et c’est exactement ce qu’il est en train de se produire.
Mon épisode est maintenant fini.
Je retourne à mon emmerdement car on n’est pas encore tout à fait arrivé à Ambleteuse.
Mais visiblement c’est imminent .
A très bientôt pour la suite des aventures.
Si vous avez envie de lire d'autres épisodes de mon blog rendez-vous ici : https://lizcherhal.over-blog.com .
C'est un endroit assez fourni dont les articles sont classés en ordre chronologique décroissant. C'est à dire que ça commence par la fin. C'est comme ça.
Liz