La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
28 Février 2018
Cette première période de résidence a bien failli démarrer par une grosse catastrophe.
J’étais arrivée chez Morvan la veille au soir du début (soit la veille du lundi, soit le dimanche soir) dans un état proche de l’Ohio, la classe d’Adjani en moins, mais quelques fréquences médiums dans la voix en plus.
Etait collée à mes New Balance (mes New Balance, maman, ce sont mes chaussures), une belle crise d’angoisse de début de résidence à base de « je ne vais pas y arriver », « je suis trop nulle », « tout le monde va trouver ça nul », « je vais jamais réussir » , « je me suis lancée dans un truc trop ambitieux », « on va tous mourir », « mon pull est troué», « mes cheveux sont gras et sec à la fois».
Je n’allais vraiment pas bien, oh non, vraiment pas bien. Et mes séances de luminothérapie intensives n’avaient malheureusement rien amélioré. Fichtre !
Des angoisses juste avant d’entrer en résidence, c’est un classique me direz vous! Une banalité consternante !
Je suis entièrement d’accord. Ma banalité était ici à pleurer.
Toujours est-il que ce dimanche soir là, je me suis écroulée sur le canapé de chez Morvan, un trois places tout neuf qu’il avait commandé sur internet quelques temps après avoir touché sa Sacem, je suppose, et dont le moelleux me rendait un petit peu jalouse.
Ce soir-là, à côté de Tom Waits, pendant plusieurs heures j’ai vidé mon sac, j’ai vidé des bières et son stock de noix de cajou en faisant le bilan de ma vie professionnelle.
Une fois qu’il s’était assuré qu’il n’y avait plus rien à vider, et que la totalité des angoisses épongeables l’avait été, nous avons tout laissé en plan, comme des gros gorets, et nous sommes allés dormir.
C’était déjà demain, et il fallait être en forme pour démarrer cette résidence.
Le lendemain, soit quelques heures plus tard, aux alentours de 7h00, Morvan a déboulé dans la chambre comme une furie en disant :
—Liz , des gens sont rentrés dans l’appart cette nuit !!!!
Oh punaise c’est pas vrai !!!
Mais quelle chiotte !
Un cambriolage alors que c’est notre premier jour de résidence .
Je m’imaginais déjà la catastrophe!
Les voleurs avait sûrement pris tous nos ordis (en même temps, des ordinateurs, on en a beaucoup trop pour deux personnes qui ont une vie sociale normale), mais ils avaient sûrement dû voler notre toute dernière acquisition, un Mac Book Pro dernier cri, qu’on avait acquis spécialement pour la tournée et qui n’avait pour l’instant aucune sauvegarde.
Quelle horreur !!!! On va pas pouvoir bosser !!!
On va annuler la résidence !!! Ma carrière est foutue !!! Et mon pull est toujours aussi troué!!!! Et mes cheveux, bordel !!!! Mes cheveux !!!!
Nooooooooooon !!!!!!
Devant mon stress apparent et le début de crise cardiaque qui aurait pu m’être fatal, Morvan a ajouté :
—Tu sais quoi, ils sont entrés, ils ont bu des bières dans le salon, ils ont mangé toutes les noix de cajou et ils n’ont rien rangé !!!
Ah ...ok ... je vois le problème… des gros saligauds quoi … des gros gorets en crise d’angoisse de premier jour de résidence, qui ne sont même pas capables de mettre leurs bouteilles vides dans le bacs à verre.
Je vois bien le genre.
Je déteste ce genre de personnes.
Il était donc juste en train de m'informer que le salon était donc dans un piteux état … et que j’en étais en partie responsable.
Moi, j’y avais vraiment cru à cette histoire de cambriolage pendant une demie seconde.
Quel acteur !
J’étais rassurée que ce ne soit pas vrai mais je trouvais son humour un peu douteux, tout de même, pour un premier jour de résidence.
Il aurait eu l’air malin si j’étais décédée sous le coup d’un trop gros choc émotionnel.
Au chômage qu’il se serait retrouvé, le gars. Il aurait peut être eu moins le cœur à faire ce genre de blague.
Mais cette fake news avait au moins eu l’avantage de me faire lever d’un bond, ce qui, vu mon état de la veille, n’était pas vraiment gagné.
Et nous avons pris la route direction salle Paul Fort pour y retrouver Jérome (son), Meivelyan (batterie) et Magalie (notre référente bouche d’air et accompagnatrice pour la semaine).
Et la résidence a démarré.
Nous nous sommes installés sur le plateau en respectant scrupuleusement le plan de scène dessiné par Morvan et nous avons commencé à répéter.
Alors que nous étions en train de jouer « Tu respires », Magalie a traversé la salle les bras chargé d’un radiateur.
C'était bizarre.
Je me demandais bien ce qu’elle fomentait et quelle était la nature de son travail.
Quelques heures après, elle a fait le chemin inverse en portant deux citrouilles.
Là, j’ai trouvé ça vraiment étrange.
Devant ma suspicion et mon incompréhension, Morvan nous a dit qu’elle était tout simplement la seule femme au monde capable de transformer un radiateur en citrouilles et que l'avoir à nos côtés était une vraie chance.
J'ai pas vraiment pigé, mais j'ai trouvé sa tirade convaincante.
Nous avons ainsi repris le cour de la répétition.
A 13h, nous avons été rejoints par mon manager, Nicolas Berton. Il venait déjeuner avec nous, mais je le soupçonne également d’être venu pour nous surveiller.
Il nous a d’ailleurs surveillés pendant toute la semaine.
Magalie était là également, mais plus la moindre trace des deux citrouilles.
En quoi les avait-elle transformées ?
On n’a jamais su.
Pour manger nous avions en entrée une petite salade avec des graines germées. C’était très bon.
Nicolas a refusé d’en manger car il craignait que les graines ne continuent à germer dans son ventre.
Comme je ne savais pas quoi lui dire pour le convaincre qu’il ne craignait rien, je n’ai rien dit et j’ai mangé sa part.
Et nous sommes repartis sur le plateau tandis que les restes du repas sont repartis dans un caisson.
Le soir, j’avais des devoirs à faire.
Néry, le metteur en scène qui arrivait le lendemain, m’avait demandé d’élaborer trois set listes différentes (maman, une set liste, c’est la liste des chansons classées dans l’ordre dans lequel on les joue, en général, ma set liste, moi, je la pose au milieu du devant de scène par terre, ce qui fait que je marche souvent dessus avec mes New Balance).
J’ai réussi à en faire deux différentes. Mais la troisième ne m’est jamais venue.
Ce n’est pas faute pourtant de l’avoir attendue tard.
Les gars l’ont d’ailleurs gentiment attendu avec moi.
Mais rien.
A une heure du matin, je suis allée me coucher car c’était déjà demain.
Eux ont continué à attendre la troisième set liste, mais visiblement elle n’est jamais venue.
Je ne sais pas ce qu’il s’est passé pendant mon absence mais le lendemain matin ...
La suite au prochain épisode ...
Je vous embrasse, Morvan non, il n’est pas dispo, il attend encore la troisième set liste.
Liz