La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
2 Novembre 2022
Même rue, à peu près même heure.
Seule différence, je revenais de la salle de sport au lieu de m’y rendre.
(Peut-être que vous ignorez de quoi je parle, si tel est le cas, regardez donc l'article du 18 Septembre dernier intitulé : Cela s'est passé dans les rues de rezé )
Je suis donc dans cette rue, je marche tranquillement vers ma maison et j’ai très rapidement la sensation redondante et effrayante que je suis suivie.
Oh non. Pas encore.
Là, je me dis, bon, ne sois pas parano. C’est simplement quelqu’un qui marche dans la rue.
Car n’est pas possible, le même scénario à peu près au même endroit.
Je ne suis pas dans un film, je ne suis pas au cinéma.
Je continue d’avancer.
Et même si je suis de moins en moins à l’aise, avec cette présence derrière moi, je continue d'avancer droit devant, tout en essayant de me convaincre que je me fais des idées, que cette personne ne me suit pas, que cette personne marche simplement dans cette rue et que nous sommes lui et moi deux marcheurs sachant marcher dans la même direction.
Alors je marche, puisque je sais marcher.
Alors il marche, puisque lui aussi visiblement savait très bien marcher.
Le pas se rapprochait de moi, je le sentais bien, mais mon auto-conviction était toujours en marche elle aussi : ce n'était qu'un marcheur qui marche, juste un marcheur qui marche !
Tout s’effondra lorsque j’entendis en sus du pas se rapprochant dangereusement de moi, sortir de la bouche de la personne : psssst, psssst, psssst, psssst …
Ce genre de petits bruits de la part d’un inconnu qui marche dans la rue, en se trouvant derrière moi à une distance que je réserve normalement à mes intimes gens…c’était très malaisant … c’était très malfaisant … et c’était éreintant …
C’était malheureusement le quotidien pour beaucoup de personnes de sexe féminin.
Entre le désespoir, la peur et la consternation, j’essayai brièvement de m’auto-convaincre, encore une fois, que ces onomatopées ne m’étaient pas destinées.
Mais face au constat que la rue était, encore une fois, vide de ses habitants, je dû me rendre à l’évidence. Tout ça, c’était cadeau, tout ça, c’était pour moi.
Je continuai de marcher feignant de ne rien entendre alors qu’en réalité, mon ouïe, ça oui, était parfaitement aiguisée.
J’avançais et j’entendais derrière moi ses "psst psst" et son pas.
C’était vraiment pénible.
L’histoire aurait pu s’arrêter là.
Et vous vous demandez peut-être : que s’est il passé ensuite ?
A-t-elle pris la fuite ? S’est-il passé exactement la même chose qu’un mois auparavant ?
Et bien, j’ai le grand plaisir de vous annoncer qu’en ce matin d’octobre, l’histoire qui débutait pareil et avait lieu dans le même décor connut un dénouement bien différent.
Pourquoi ?
Peut-être parce que j’entendais des voitures au loin et que je ne me sentais pas si seule dans cette rue pourtant déserte.
Peut-être parce que je venais de faire ma session de musculation et que je me sentais plus forte physiquement qu’une heure auparavant.
Peut-être parce que j’étais dans ma période prémenstruelle et que durant cette période nous les personnes menstruées, grâce à la chute des œstrogènes dans notre organisme, avons tendance à être moins arrangeantes, conciliantes et silencieuses face aux situations qui sont peu supportables.
Ou peut-être parce que grâce à mes réflexions suite à ma malheureuse expérience du mois de septembre, je suis parvenue à agir différemment.
Ou alors peut-être que c’était un combo de tout ça.
J’ai alors fait quelques pas de géants pour m’éloigner physiquement du corps de cette personne, je me suis retournée, sûre de moi, les deux pieds bien ancrés dans le sol, je l’ai regardé avec des yeux assez méchants et je lui ai dit hyper fort, de manière très désagréable et très rustre : - Quooooooi !???
C’est sorti comme ça, de manière irréfléchie mais qui ne laissait aucun doute quant à mon assurance bien que femme face à un homme inconnu faisant « pssst, psssst » derrière moi et « pssst, pssst » dans la rue.
Ça l’a vraiment surpris et laissé tout à fait pantois. Il n’a pas du tout réitéré ses onomatopées.
Il était, comme une bûche, tout à fait scié.
Il a bredouillé :
- Euh euh ….
La situation, visiblement, ne se passait comme il l’avait prévu. Même si je ne savais pas vraiment ce qu’il avait prévu initialement.
Il était tout à fait désarçonné.
Devant son silence gêné, j’ai réitéré.
- Quooooooi ?!
A la manière d’une charretière.
Il a bien senti que je n’allais pas le lâcher et qu’il fallait qu’il me réponde.
Il s’était quasiment collé à moi dans la rue, il avait essayé de m’intimider avec ses onomatopées. Il fallait maintenant qu’il réponde de ses actes.
Il a essayé d’articuler :
- euh … euh ….c’est …..euh ….euh … c’est pour … euh … du tabac ….. euh ?
Je lui aurais bien dit : « Quand on demande du tabac, à quelqu’un qu’on ne connaît pas, on dit bonjour et s’il te plaît, on est un gars poli, on ne marche pas derrière une fille en faisant des petits bruits ».
Mais ce n’est pas ce que j’ai dit car c’est ce tout nouveau personnage de charretière qui venait de faire son apparition dans ma vie qui lui répondit d’une voix que je ne connaissais pas :
- Noooooooooon.
Et je me retournai pour lui signifier la fin de la conversation.
Il voulait juste du tabac ? Ben voyons !
Et bien la prochaine fois que tu veux du tabac, viens plutôt face à moi et dis-moi de vrais mots.
Et d’un bon pas, je suis rentrée chez moi.
En conclusion, je dirais que :
- soit cette rue que j’arpente quotidiennement est une rue qui craint, une rue malsaine
- soit il vit ici des hommes qui se croient tout permis, qui manquent d’éducation mais qui ne manquent pas du sens de la domination et qui sont en d’autres mots de gros cons.
Je penche personnellement pour la deuxième solution.
Lise Prat-Cherhal
Ps : et faites bien attention, car elle est en gestation la "Charretière Génération"