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La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.

LE BLOG DE LISE PRAT-CHERHAL

Le jour où nous avons tourné "Sauvage"

Le jour où nous avons tourné "Sauvage"

Le tournage du clip Sauvage a démarré par un gros désaccord entre François (le réalisateur) et moi même (l’auteur-compositeur et néanmoins chanteuse).
Un désaccord qui m’a complètement déboussolé. 
Nous buvions tranquillement un café autour d’une table où étaient disposés des tas de petites choses qui nous permettraient de maintenir un bon taux de glucose dans notre sang tout au long de la journée.
J’ai alors dit à François que c’était bien d’avoir ce catering à disposition. 
Il m’a dit : 
* ah non, ça, c’est une table régie. 
J’ai dit: 
* Une table régie, non, je ne crois pas. Avec tout le respect que j’ai pour toi, je pense plutôt qu’on dit un catering. 
Il a répliqué 
* Ah non, excuse-moi, mais une table avec une cafetière et des gâteaux, c’est une table régie.
* Ah non, mon cher, je ne pense pas, cette table, c’est un catering.
* Ah non, non, non, tu te trompes, je te dis que ça, cette table avec ces gâteaux et cette cafetière, c’est une table régie.
* Non, non et non, c’est un catering. 
* Mais non, on est sur un tournage et sur les tournages, la table où on met les gâteaux c’est la table régie.
* Ah bon ? Mais moi, je viens du spectacle vivant et, dans le spectacle vivant, la table avec les gâteaux, c’est le catering !
* Et bien ici, c’est la table régie.
* T’es sur ? 
* A cent pour cent. 

Alors ça c’était la meilleure de l’année, dans le cinéma, ils appellent le catering, une « table régie ». 
Une table régie … 
C’est un peu n’importe quoi. 
Pour moi une table régie, c’est une table avec des talkies-walkies, des câbles, des plannings … des trucs d’organisation quoi. 
Pas juste une table avec du café et des amandes dans un sac à vrac…
Table régie … n’importe quoi … 
Cette manière curieuse d’appeler les choses m’a un peu déboussolé. 

Bon, il fallait que je me rassemble, car la journée promettait d’être longue et physique. 

Mais remontons un peu en arrière, sur la genèse de ce clip.
On en avait passé des heures autour de la table de la cuisine chez François, avec Morvan et Nicolas, pour réussir à trouver le bon angle d’attaque de la mise en image de cette chanson. 
Par ce que c’est comme ça que démarrent tous les projets de clips. 
Par le fameux brainstorming, à 4, ( Nicolas, Morvan, François et moi), dans une cuisine, en général le mardi ou le jeudi matin. 
Cette fois-ci, on s’était creusé la tête presque au delà du supportable en inventant différents scénarios qui n'ont finalement pas abouti. 
Moi, j’avais eu une super idée avec 20 danseuses, mais ça n'a finalement pas été retenue, c’est dommage, ça aurait super aussi. 
Je ne comprends pas pourquoi ça n’a pas été retenu, enfin si, en fait, je comprends un peu. 

Nicolas lui, lors de ce brainstorming, a voulu comme à chaque brainstorming de clip, placer un animal. 
Je ne sais pas pourquoi, il est persuadé qu’il faut tourner avec un daim, ou une girafe, ou autre chose à 4 pattes ou à deux ailes. 
Les animaux, c’est son trip. 
L’avenir nous montrera qu’on a fini par accepter ces propositions animalières car une chouette a été embauchée lors de notre tout dernier tournage. 
Celui du clip de « J’ai marché, tant marché ». Mais c’est un tout autre sujet. 

Bref, tout ceci n’était pas simple. 
Pour Sauvage, on voulait un clip esthétique et pas violent, mais puissant et spontané, tout en respectant une certaine contrainte financière, voir une contrainte financière certaine. 

Le sujet de la chanson, (les victimes de violences conjugales), pouvait être casse-gueule, vraiment casse-gueule, et ceci, très très très facilement.
On le savait. 
Et à force de se dire qu’il ne fallait surtout pas qu’on fasse un clip illustratif, (ce qui, vous en conviendrez, aurait été de très mauvais goût et peut-être même pas très interessant) on a décidé de faire un clip dessiné. 
Oui, dessiné, mais pas illustratif. 
La nuance est subtile mais vous comprendrez en voyant les images. 

Nous avons alors repensé au concert dessiné que nous avions fait, avec Morvan, en Martinique lors de la tournée Laboratoire et c’est ainsi que s’est imposée l’idée du clip :  des dessins faits en live, projetés sur un écran avec moi devant, qui chante et improvise des mouvements dansés.

Après quelques coups de fils, nous avons trouvé le dessinateur adéquat en la personne de Loïc Sécheresse.

Il avait déjà fait ce genre de performance en live et savait faire réagir son trait en fonction de ce qu’il se passait devant lui. 
Sur le tournage, sa réactivité fut d’ailleurs très impressionnante. 
Je pouvais faire tout et n’importe quoi, dans n’importe quel sens, en haut, en bas, de face, de dos, accroupie, en sautant. 
Avec sa palette graphique, il me suivait coûte que coûte. C’était sa mission. Et il l’a brillamment réussie. 
(Je crois même avoir rampé à un moment, mais on ne l’a pas gardé, parce qu’à mon avis, je sortais trop du cadre …) . 

C’est par les parties dansées improvisées qu’on a commencé le tournage. 
Très sincèrement, j’étais assez volontaire mais je n’en menais pas large avant la première prise en impro.
Me mettre à improviser des mouvements, comme ça, pieds nus, devant tout le monde pendant que Loïc me dessinait dessus ... la projet était assez flippant.
Excitant, mais flippant. 
Morvan a lancé la musique, et c’était parti. 
On l’a fait 3 fois de suite. 

A la fin de la 3ème fois, Nicolas qui avait sans doute peur que je meurs d’une crise cardiaque, a proposé qu’on passe à autre chose. 

On a donc poursuivi avec les plans play backs (eux, je les maîtrisais parfaitement, et j’étais assise sur une chaise, ce qui était beaucoup moins engageant au niveau du cardio).
On a terminé par les plans préparés (le cœur de la cible, le cri sur le tigre, le pipeline et le chœur de femmes autour de moi en mariée). 
Je ne voyais rien de ce qui se passait derrière moi sur l’écran. 
Je leur ai fait confiance à tous. 

C’est ainsi que s’est déroulée cette journée, en confiance ... et avec des pauses au catering, pardon, à la table régie. 

J’ai bien dit à la table régie. 

Je l’aime ce clip parce que c’est un projet collectif. 
J’espère que vous aussi vous l’aimerez.
Et que vous aimerez aussi cette chanson. 
Et mon album, accessoirement.
 
Je vous embrasse, Morvan non, il n’est pas dispo, il est parti acheter des sandwichs, j’espère qu’il va penser à demander un facture... 

Liz 

Ps : J’espère que vous aimerez aussi mon concert. 
Ps2 : parce que ça va être un concert un peu, un peu, comment dire, pas très habituel quoi ... 
Ps3 : enfin, vous verrez bien. 
PS4 : ou pas, si vous ne venez pas. 

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