La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
24 Juin 2019
Ce jour là allait être à marquer d’une pierre blanche.
Ou rouge.
Ou noire avec des serpents.
Car ce jour là, c’était la première répétition de 28Saphyr, ce tout nouveau groupe que nous venions d’inventer avec Morvan.
Oui, c’est ça la magie d’être musicien, c’est que tu peux te lever un matin, ou te coucher tard un soir en disant : « Tiens, on n'a qu’à faire un groupe ».
Et là, nous avions eu l’idée de faire un groupe pop, un groupe feel-good, un groupe électro, un groupe rock soit un groupe de pop-feel-good electro-rock.
Ni plus, ni moins, et surtout pas moins.
Un groupe à base de guitares électriques, de boîtes à rythme et de thématiques non usitées par moi jusqu’alors.
Un groupe dans lequel j’ouvrirai grand la bouche sur les photos de presse et parfois même, je tirerai la langue.
(Parce que j’ai toujours eu envie de faire ça et que je ne l’avais jamais fait …)
Un groupe dans lequel Morvan ne serait pas toujours coiffé.
Mais ça, ça c’était déjà fait.
Ce jour-là, en arrivant au local de répétition dont je n’avais pas foulé la moquette tachée depuis au moins 1 an, je fût très heureuse de retrouver devant la grande porte moyennement blindée, affairé qu’il était avec une grande planche, à je-ne-sais quelle construction, Guy, notre colocataire-décorateur.
Son travail, pour ce que j’en sais, c’est la construction de décors, d’ameublements de magasins et d’agencements pour les maisons.
Et Guy, depuis de nombreuses années, a son espace de travail juste au dessus du nôtre.
Et parce que de manière altruiste, nous partageons ce local merveilleux avec plein d’autres groupes Nantais, Guy travaille de fait au dessus de plein d’autres musiciens.
De fait, et contre son gré probablement, Guy doit avoir une énorme culture musicale de groupe Nantais.
Vraiment énorme.
Et de part la localisation de son atelier juste au dessus de nos têtes, Guy a le bonheur d’entendre toutes nos nouvelles chansons avant tout le monde.
(Le choix du terme bonheur n’engage ici que moi).
Ce matin là, je l’ai salué avec enthousiasme, heureuse que j’étais de le revoir après ces longs mois passés loin de cet espace de travail.
Nous commençâmes ainsi à parler de choses intéressantes mais je fus très rapidement déconcentrée de la conversation par l’odeur très agressive d’un produit chimique qu’il était en train d’utiliser.
Cette odeur me fila d’emblée, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et surtout en beaucoup moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, une grosse barre au niveau du front.
Cette barre ne manqua pas de me rappeler la barre que j’avais eue quelques semaines auparavant, au lendemain de la soirée « Brainstorming pour trouver un nom de groupe » avec Morvan, au cours de laquelle nos idées avaient curieusement été de plus en plus créatives à mesure que le cubi de vin descendait.
Nous avions ce soir-là statué sur 28Saphyr pour des raisons tout à fait particulières que j’évoquerai probablement plus tard.
Au cours d’un prochain épisode.
Toujours est-il, qu’en parlant avec Guy ce jour là, je fus de plus en plus incommodée par l’odeur de ce produit qui était probablement fort toxique.
Je lui demandai alors qu’elle était la nature de ses travaux du jour.
Il m’expliqua qu’il avait utilisé une peinture de mauvaise qualité sur une de ses constructions, qu’il devait l’enlever et que de fait, il était en train de faire du décapage.
D’où l’odeur agressive du produit.
Je lui demandais :
- On est bien d’accord que ton produit, là, il est bio, hein ?
Il m’a répondu :
- Evidemment !
Il mentait.
Je savais qu’il mentait.
Il savait que je savais qu’il mentait
Je savais qu’il savait que je savais qu’il mentait
Mais on a fait mine de rien car on n’était pas là pour polémiquer.
(Je vous rappelle que c’était le premier jour de répétition de 28Saphyr, pas le premier jour de la polémique autour de l’utilisation de produit bio dans les travaux de décoration).
Guy, ce matin là, m’a simplement dit ce que je voulais entendre, rien de plus et c’était très bien comme ça.
J’ai alors décidé de le laisser décéder tranquillement avec son matériel et ses produits toxiques pour rejoindre Morvan dans l’espace de travail.
J’ai donc franchi la grande porte moyennement blindée, j’ai traversé le hall du bâtiment, qui est un genre d’espace dépotoir pour musiciens et/ou décorateur et je suis arrivée dans la salle de répétition.
Rien n’avait changé. C’était toujours autant le bordel.
Sur le champ j’ai été submergée par l’odeur si caractéristique qui flottait, flotte et flottera toujours dans cet espace.
D’aucun dirait qu’il s’agissait simplement d’une vieille odeur de renfermé, mêlée à une vieille odeur de poussière, mêlée à une vieille odeur de transpiration, mêlée à une vieille odeur de vieille bière, et que c’était simplement une odeur de local de répétition où les groupes de rock s’enchaînent.
( enfin s’enchaînent .... façon de parler, ils ne s’enchaînent pas avec des chaînes, ils s’enchaînent en se suivant les uns après les autres, c’est ça qu’ils font du lundi au dimanche, parce que s’ils s’enchaînaient vraiment avec des chaînes, ce ne seraient pas des groupes de rock, ce serait des groupes d’autre chose, des groupes dont je ne partagerais pas forcément le local).
Bref, oui, d’aucun serait tenté de dire ça à propos de cette odeur dégueu, mais comme d’habitude, d’aucun n’est pas là, je ne vais donc pas perdre du temps à retranscrire ses propos qui n’ont, j’en suis sûre aucun fondement et dont on ne peut vérifier la véracité.
Cette odeur, donc, désagréable pour certains était pour moi merveilleuse car c’était ni plus ni moins que l’odeur de la création.
Et ça, c’était très bon signe quand à notre avenir musicaloprofessionnel à Morvan et moi-même.
J’ai ainsi fait mon entrée triomphale dans le local.
Morvan était en train d’installer le clavier qu’il venait de construire pour 28Saphyr.
Oui, Morvan a fait ça.
Ne trouvant pas dans le commerce équitable le modèle de clavier qui nous convenait pour 28Saphyr, il a décidé de le fabriquer.
Avec du bois, des clous, des vis, des fils électriques, des boutons, des lumières, des pads.
Ce clavier était vraiment magnifique et unique avant tout.
Fait sur mesure en fonction des besoins de notre nouveau groupe de pop-feel-good-électro-rock.
Morvan est vraiment fort en construction et de par le fait même de sa passion pour la fabrication de meubles sur-mesure, il connaît tous les rayons à Leroy Merlin. Ce qui nous fait gagner un temps fou quand nous avons besoin, d’une cheville, d’un champ plat, d’un taquet ou autre …
Dans la vraie vie, quand il a besoin d’un meuble, au lieu d’aller comme tout à chacun sur IKEA.fr, et bien lui, il prend une feuille de papier, fait un petit gribouillage dessus avec des mesures, et quelques jours plus tard, après quelques allers retours dans le magasin de bricolage précédemment cité, il se met à fabriquer le dit meuble manquant.
Il s’est ainsi fabriqué un lit, une table basse, un bureau, des étagères, des meubles de cuisine.
Il est comme ça. Il fabrique. Il invente. Il construit.
A une époque, il m’a même reconstruite. Mais ceci est un tout autre sujet que j’évoquerai dans un prochain épisode.
Revenons à ce qui nous intéresse ici, la répétition de 28Saphyr.
Nous étions donc dans ce magnifique local crasseux pour jouer pour la toute première fois les morceaux de 28Saphyr.
Nous avions sur notre set liste les titres suivants :
C’était plein de promesses.
Avant de déclencher la toute première séquence rythmique grâce au pédalier du clavier magnifique, Morvan m’a demandé :
- Tu as appris tous les textes ?
J’ai répondu :
- Evidemment.
Je mentais
Il savait que je mentais.
Je savais qu’il savait que je mentais.
Mais on a fait mine de rien. On n’était pas là pour polémiquer au sujet de savoir qui des deux avait le mieux préparé cette répétition.
Non, la polémique n’était vraiment pas notre préoccupation première ce jour-là et de toute façon, on avait tous les deux la réponse à la question soulevée par la polémique précédemment citée.
Toujours est-il que pour être tout à fait sûre des mots que j’allais hurler dans le micro lors de cette répétition, j’allais avoir besoin d’avoir mes textes sous les yeux …
J’ai donc saisi mon classeur à spirale qui renferme les textes écrits ces deux derniers mois et je me suis mise à la recherche de quelque chose qui aurait pû ressembler de près ou de loin à un pupitre.
Mais comme, contrairement à l’odeur ambiante merveilleusement dégueu , les pupitres avaient complètement disparu du local, j’ai attrapé ce qui ressemblait le plus à un pupitre dans cette espace restreint, à savoir un petit escabeau poussiéreux et taché de vieilles traces de peintures pour y poser mes feuilles.
Ainsi la répétition a commencé.
Il était plus qu’évident que nous étions en train d’enchaîner des tubes potentiels.
Et puis nous avons fait un pause.
Avant pendant les pauses, on mangeait des fruits secs que j’amenais dans des sacs à vrac. Mais ce jour là, comme nous étions désormais un groupe de rock, j’avais amené des bières et des chips.
Quelques heures plus tard, la répétition s’est terminée sous une salve de nos propres applaudissement.
En sortant du local, je vis Guy, il était en train de peindre sa planche.
Je lui ai dit qu’il peignait bien.
Il m’a dit que je chantais bien.
Ainsi, on était quitte.
Et on s’est quitté ainsi.
C’était la première répétition de 28Saphyr.
La première d’une longue série.
C’était mon premier compte rendu, le premier d’une longue série.
A bientôt pour la suite des coulisses de 28Saphyr.
Je vous embrasse, Morvan non, il n’est pas dispo, il est en train de poncer le clavier de 28Saphyr avant la phase de finition.
Liz