La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
14 Juin 2020
Ce matin, troisième jour de résidence, nous n’avions pas le temps de traîner.
A 8h, dans la cuisine, j’ai dit à Jérome qui ne m’avait rien demandé :
- Jérome, on n’a pas le temps, on va acheter une maison.
Car oui, ce matin, avant de faire notre troisième jour de résidence à Stéréolux, on avait un rendez-vous pour acheter avec Morvan, la maison dans laquelle nous allions prochainement faire des fêtes et des blagues.
Jérome nous a dit
⁃ Avant de signer, lisez bien les petites lignes.
Je lui ai dit
⁃ Bah, Jérôme, enfin, tu nous connais ! Évidemment qu’on va rien lire du tout ...
Il était atterré mais il nous aime tels que nous sommes.
Avant de franchir la porte, il nous a dit :
⁃ Quand je vous reverrai, vous serez endettés sur 25 ans…
Et il avait raison.
Ainsi nous sommes partis nous endetter.
Nous avons donc, ce matin-là, acheté une maison et ensuite notre troisième jour de résidence a démarré .
Arrivés à Stéréolux, nous avons tout d’abord fait un filage de la totalité de nos morceaux.
Et ça c’est plutôt bien passé.
Ensuite, Jérome a dit :
⁃ Allez, on s’attaque à la déco !
J’ai alors proposé qu'on refasse les peintures de la salle car je n'aimais pas trop la couleur marron-beige-noir des murs.
Ça a été refusé car cela dépassait nos compétences et nos obligations.
Et de toute façon, c’est la déco du concert qu’on devait faire.
Parfois, on appelle aussi ça la scénographie.
Ça dépend de l’interlocuteur.
Cela faisait un moment que Nicolas, notre manager, nous tannait pour qu’on se penche sur le dossier scénographie de 28Saphyr.
Il voulait qu’on trouve un élément de décor qui serait propre à notre esthétique musicale.
Moi, j’avais beaucoup de mal à me mettre sur ce dossier car je n’aime pas emmener en tournée des objets qui n’ont pour vocation que d’être posé sur une scène pour faire joli.
J’aime que le matériel qu’on emmène avec nous serve vraiment à quelque chose.
L’idée d’emmener en tournée des objets qui ne servent à rien de concret pour la musique mais qui prennent autant de place dans le camion que nos objets utiles me hérisse les poils que je n’épile plus depuis que je suis féministe.
Parce qu’il faut quand même bien avoir conscience que dès qu’on décide d’introduire un nouvel objet dans une scénographie de concert, l’objet devient un membre à part entière du concert et on s’engage donc à emmener ce nouvel élément partout.
On s’engage donc à le charger dans le camion quand on part, on s’engage à le décharger quand on arrive dans les salles. On s’engage ensuite à le recharger dans le camion quand on quitte la salle et également à le décharger quand on arrive dans notre espace de stockage de matériel.
On s’engage également à lui réserver une place de choix dans l’espace de stockage à l’abri de l’humidité et des poussières.
Donc bon, faire tout cet enchaînement de mouvements et de considération pour des objets qui n’ont qu’une seule fonction, être joli sur un plateau, ça ne me plaît pas trop.
Mais bon, au troisième jour de résidence il fallait bien reconnaître que le plateau était extrêmement déséquilibré, et qu’il nous manquait cruellement un élément de décor.
En effet, la totalité du matériel se trouvait du coté de Morvan et du mien, il n’y avait rien.
Absolument rien.
C’était le vide abyssal, ça ne collait pas.
J’avais beau faire des grands mouvements avec les bras, le vide était toujours là.
Il fallait qu’on comble ce vide.
Mais comment faire ?
J’eus alors l’idée, pour qu’on ne se charge pas avec du matériel supplémentaire qui selon moi ne sert à rien, de proposer à l’équipe un challenge « scénographie en art brut », c’est à dire qu’on se débrouille pour fabriquer un élément de décor en utilisant exclusivement du matériel qu’on avait déjà.
Le challenge fut accepté.
Et quel type de matériel avions nous à notre disposition à ce moment là pour réaliser un élément de décor ?
Je vous le donne en mille ! Des flys-cases à savoir des boites, des caisses, des valises. Tous les éléments utiles dans lesquels on range notre matériel utile.
A quatre, nous avons donc construit un genre de totem en empilant les caisses qui nous servent à ranger les guitares et l’ampli et nous avons posé sur le sommet de cet empilement, le couvercle du clavier rouge.
A première vue, et en faisant quelques pas en arrière, on ne pouvait pas dire si c’était beau ou pas.
On avait trop la tête dans le guidon.
Bon peut être qu’on savait tous que ce n’était pas très beau mais on a tous fait comme si on ne s’en rendait pas compte.
Nous avons gardé sur le plateau notre totem en art brut car même si ce n’était pas très beau sur l’instant, en creusant un peu l’idée, on allait sûrement trouver un moyen de rendre cet empilement de boites agréable à la vue d’autrui …
Ainsi, le dossier scénographie ayant bien avancé, nous avons entrepris de recommencer la répétition des morceaux.
Avant de démarrer, je suis allée chercher un thé et je suis remontée avec sur le plateau.
Comme il était trop chaud, je me suis dit que j’allais le laisser refroidir un peu et que je le boirai plus tard entre deux morceaux .
Je l’ai alors posé sur le seul fly qui n’avait pas été utilisé pour le totem art brut.
Ce fly était resté tout seul derrière le clavier.
Nous avons alors entamé le morceau « Je ramasse, je mange ».
A la fin du morceau, et parce que c’était nécessaire, Morvan a voulu aller vérifier un branchement à l’arrière du clavier.
Il a donc posé sa guitare et est venu derrière le clavier.
À ce moment-là, Philippe a fait un changement dans la lumière qui nous mis dans une certaine pénombre.
Je vis alors Morvan entamer un mouvement qui m’indiquait qu’il avait pour projet de s’asseoir sur le fly positionné derrière le clavier.
Ce même fly où était posé mon thé brûlant.
Prise de panique à l’idée de ce qui allait possiblement se passer, j’entamai alors en hurlant la phrase :
⁃ Ne t’assois pas là !!!!
Mais je n’ai eu le temps de dire que :
⁃ Ne t’a ……….
Et c’était trop tard.
J’entendis le cri de Morvan, la tasse qui tombe et l’écoulement de liquide sur le plateau.
Le plateau recouvert de matériel et de câblage électrique.
Une catastrophe.
Philippe, alerté par nos cris remit rapidement de la lumière, ce qui nous permit de constater les dégâts.
J’étais désolée.
Je dis alors aux gars :
⁃ C’est de ma faute, j’ai posé mon thé ici.
Philippe qui nous avait rejoint en trombe sur le plateau dit :
⁃ Mais non, c’est de ma faute, je vous ai mis dans le noir.
Morvan a dit :
⁃ Mais non c’est de ma faute, j’ai pas regardé où je m’asseyais.
Bref, on se sentait tous coupable.
Tous coupable, mais un seul avec le cul mouillé.
Nous sommes allés chercher de quoi nettoyer dans l’atelier attenant à la scène.
Le plateau a repris son état du commencement.
Le pantalon de Morvan lui est resté mouillé un moment.
C’est ainsi, il ne s’est pas plaint.
Et la journée a pris fin.
Le soir, à l’appartement, nous avons été rejoints par notre manager Nicolas pour le dîner.
Au courant de notre activité de la matinée, il nous avait amené un cadeau : un marteau-décapsuleur.
C’est à dire, un marteau, un vrai avec lequel tu peux planter des vrais clous si par exemple tu fais prochainement des travaux dans une maison, mais avec lequel tu peux aussi décapsuler des bières.
Il nous connaît vraiment bien.
En fin de repas, sur les conseils de mes collègues et néanmoins amis, je rédigeai un e-mail à un distributeur de disque pour lui demander si ça l’intéressait de sortir notre EP 28Saphyr cet automne.
Par mesure de sécurité, ce mail, je l’ai rédigé le soir, mais j’ai attendu le lendemain matin pour l’envoyer, pour ne pas renouveler l’expérience du mail au regard extérieur (cf : épisode jour 2 : http://lizcherhal.over-blog.com/2020/06/residence-a-stereolux-jour-2.html)
Ainsi s’achève cet épisode.
J’en profite pour remercier Stéréolux qui nous donne actuellement la possibilité de travailler dans des conditions excellentes.
Et ceci est précieux.
A très bientôt pour la suite des aventures.
Liz.