La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
26 Juin 2023
Ce week-end-là, c’était Rezé en fête. Cela signifiait qu’à Rezé, ça allait être la fête. Et ceci était à mon sens une très bonne nouvelle, puisque j’avais décidé depuis quelques temps en concertation avec ma psychiatre, une coach en approche neuro-cognitive et mon coiffeur, de privilégier absolument tous les moments pouvant s’apparenter à de la joie dans mon quotidien, et ceci dans le but de me remettre sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse.
En effet, jusqu’à présent, 2023 avait été une année assez nulle et surtout douloureuse que j’avais essentiellement passée entre mon lit et mon canapé pour des raisons que vous connaissez probablement si vous me lisez assidûment, et pour des raisons que vous allez pouvoir découvrir sur mon blog, si vous ignorez de quoi je parle. Il y a plusieurs épisodes à ce sujet. Ces épisodes sont affreux mais ils sont gratuits.
https://www.lisepratcherhal-leblog.com/
Depuis une poignée de semaines, dans le but de retrouver ma fameuse joie et mon entrain de vie, je ressortais régulièrement de chez moi. J’étais toujours accompagnée de douleurs cervicales et d’une certaine incompétence en matière respiratoire, mais je ressortais quand même, il m’était même arrivé à plusieurs reprises de re-chanter mais ceci est un tout autre sujet que j’évoquerai dans un prochain épisode.
Ce week-end-là, je n’avais pas eu besoin d’aller très loin pour me remettre sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse puisque la fête de « Rezé en fête » se fêtait juste à côté de chez moi puisque j’habitais Rezé.
« Rezé en fête » était un festival mêlant musique, arts de rue et stands de bière qui avait lieu sur deux jours dans différents quartiers de Rezé et dont le paroxysme allait être atteint le samedi soir, dans le parc juste à côté de notre maison avec le concert du groupe nantais Elmer Food Beat, groupe que, bien que faisant partie de notre patrimoine culturel à tous, surtout nous les Nantaises et Nantais, je n’avais encore jamais eu l’occasion de voir sur scène.
Nous démarrâmes les festivités, ce jour-là, en choisissant de retrouver notre ami qui ne veut pas que je parle de lui sur internet à un concert de reprises de chansons françaises du groupe Jour de Fête. Assis dans la pelouse un peu grillée d’un parc public dans lequel je n’avais jamais eu l’idée de mettre les pieds avant « Rezé en fête », nous les écoutions avec une grande attention.
Le bonheur d’entendre toutes ses chansons ainsi que la joie partagée avec le public me fit me dire : « Mais c’est génial un concert de reprises, c’est tellement la joie. Les reprises ça remet sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse. C’est ça qu’il faut que je fasse en sus de mes concerts, des concerts de reprises ! ».
J’en fis part à Morvan qui me répondit que si je choisissais de faire ça, il m’accompagnerait avec plaisir, et aussi avec une guitare.
J’étais satisfaite de sa réponse.
Puis, toujours avec notre ami qui ne veut pas que je parle de lui sur internet, nous sommes allés près de la médiathèque de Rezé rejoindre une batucada. Comme c’était une batucada, c’était très fort et très rythmé.
La batucada avait pour mission de nous conduire grâce à la magie de la déambulation de rue jusqu’au lieu du paroxysme du concert du soir.
Ainsi, nous nous retrouvâmes avec une multitude de gens à marcher en rythme, derrière ladite batucada, tout en veillant à maintenir une distance de sécurité auditive avec celle-ci car vraiment, une batucada, même si c’est très rythmé, mais ça reste toujours très fort.
Ce moment de rythme était tellement plaisant qu’en marchant je me disais qu’en sus de mes concerts, je devrais monter une batucada, ça m’aiderait sûrement à me mettre sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse. Je le dis à Morvan qui marchait à mes côtés. Il ne m’a rien répondu. Il ne m’a pas entendue.
Ainsi, nous arrivâmes sur le lieu du paroxysme. Il y avait de la bière partout et des stands de nourriture de différents pays du monde.
En passant devant le stand de poulet Yassa et de Mafé, Morvan dit :
– Je crois que je vais prendre une blanquette de veau.
Cette blague m’a tenue pendant un bon quart d’heure car je suis bon public. Et cette blague fait partie des raisons pour lesquelles j’ai épousé Morvan.
Dans ce parc, comme il y avait énormément de monde et que je portais un habit rouge assez voyant, plusieurs personnes m’ont reconnue. Par chance, et comme toujours en fait, toutes les personnes qui me reconnaissaient en tant que moi-même et qui venaient me parler étaient des personnes qui m’aimaient bien.
J’ai donc reçu dans ce parc, de façon régulière, de forts témoignages d’amour professionnel concernant mon dernier album, sorti pendant mon arrêt de travail, et concernant l’ensemble de ma carrière en général. Ce fut vraiment plaisant. Je ne regrettais absolument pas d’être sortie de chez moi et clairement, je sentais que je prenais le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse.
À un moment, alors que, par solidarité avec Morvan mon époux, j’étais devant le bar à bière alors que je n’en consomme plus depuis de nombreux mois, on me présenta l’élu qui s’occupait de la culture et de l’animation de la cité rezéenne. Je ne l’avais jamais rencontré.
J’habitais à Rezé (par amour) depuis 2 ans et demi et je n’avais jamais eu l’idée d’aller rencontrer les personnes qui faisaient vivre la culture dans ma ville.
Un vrai manquement !
Depuis toujours je traversais régulièrement la France de part en part (même si c’était un peu moins vrai ces derniers mois) pour faire des concerts et animer des ateliers. J’avais, tout au long de ma vie professionnelle, rencontré de nombreuses élues et de nombreux élus à qui j’avais serré de nombreuses poignées de mains dans de nombreuses villes mais je n’avais pas fait ça au sein de ma propre ville d’adoption : Rezé. Cet écart appartenait désormais au passé.
Ma vie n’avait parfois pas de sens mais je venais par une simple poignée de main de la remettre à l’endroit.
Après une discussion fort intéressante avec cette personne qui me raconta la genèse de « Rezé en fête » et son très probable avenir, nous décidâmes, avec Morvan, de nous asseoir dans la pelouse pour attendre le concert d’Elmer Food Beat.
Alors que nous discutions tranquillement avec une autre amie puisque l’ami qui ne veut pas que je parle de lui sur internet était parti, nous fûmes délogés de notre emplacement par un chameau.
Il était en bois, il était très gros et était poussé et manipulé par des gens. Ce n’était pas un chameau, c’était un spectacle. Je pris des photos de la bête pour immortaliser cet instant absolument extraordinaire, mais comme je ne suis pas photographe, mes photos étaient moches, mal cadrées et mal exposées. Mais le spectacle lui, était très beau. Toute cette beauté me fit me dire qu’en sus de mes concerts, il faudrait que je fasse un spectacle avec un gros animal en bois car ceci me permettrait sûrement d’accélérer mon retour sur le bon chemin de la vraie vie heureuse.
Tous les propositions artistiques auxquelles nous assistions depuis le début de l’après-midi me redonnaient goût à la vie culturelle et faisaient fleurir en moi des idées et des envies de création.
Ou alors j’avais simplement en moi des envies de plagiats. Je ne sais pas.
Et le concert d’Elmer Food Beat a commencé. Là, clairement, j’étais sur le chemin du retour à la vraie vie heureuse car ce concert nous a fait hurler de rire et danser.
Au bout d’une quarantaine de minutes de concert, Morvan me dit :
– Tu sais, ils vont bientôt faire monter des filles sur scène.
Enfin, il me le hurla dans les oreilles car le son était quand même assez fort.
Je me demandais bien comment il savait ça puisqu’il n’avait jamais vu ce concert. Puis je me suis rappelée qu’un de ses meilleurs copains jouait dans ce groupe. C’était donc de ce copain qu’il tenait l’info de la très imminente montée sur scène de personnes du public.
À cet instant, même si j’étais vraiment sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse, je ne me voyais pas être une des filles du public qui déboule pour aller sur scène. Je n’avais jamais fait ça de ma vie durant un concert dans lequel j’étais public, ce n’était pas mon truc. D’autres le faisaient, moi non. C’était comme ça.
Et le moment arriva.
Manou, le chanteur, annonça qu’il avait besoin de présence féminine sur la plateau.
Morvan me dit :
– C’est maintenant.
Curieusement, j’avais compris.
Je lui dis :
– Je ne vais pas y aller.
Il me dit :
– Mais si, vas-y c’est marrant.
Je répondis
– Non, je ne crois pas.
Il ajouta :
– Si tu veux y aller, il faut que tu te rapproches de la scène.
Hors de question, je ne suis pas comme ça. Moi je suis celle qui reste dans la foule.
Morvan sur-enchérit:
– Allez, c’est drôle !
Clairement il me lançait un défi, le défi du retour à la vraie vie. Celle dans laquelle on fait des trucs qu’on ne faisait pas avant. Celle dans laquelle, comme on est passé tout près de la mort on a un nouvel élan, un élan grâce auquel on se pose un peu poins de questions sur le bien fondé et les conséquences de ses actions.
Et c’est précisément cet élan s’est emparé de moi à ce moment-là.
J’ai tendu mon Eco-cup à Morvan en lui disant :
– Tiens moi ça ! J’y vais !
Je pense qu’à cet instant il ne m’a pas reconnue, contrairement aux gens.
Et j’ai fendu la foule pour m’approcher du bord de scène où des personnes de sexe féminin étaient déjà en train d’escalader les barrières aidées par les agents de sécurité. J’étais vraiment sur le chemin du retour à la vraie vie heureuse. Arrivée devant la barrière, c’était à mon tour de passer par dessus bord.
Alors je suis passée, enfin, j’ai essayé.
Postée devant la barrière, j’ai engagé le geste que je faisais toujours auparavant lorsqu’il s’agissait de grimper sur quelque chose d’assez haut ou pour parvenir à sortir d’une piscine par exemple.
Je mis mes deux mains sur la barrière et avec toute ma force, j’ai tendu mes bras pour me soulever afin de poser mon postérieur sur la barrière.
J’avais juste oublié à cet instant, toute préoccupée que j’étais par mon retour sur le bon chemin de la vraie vie heureuse, que je n’avais pas encore retrouvé mes muscles d’antan et qu’il ne m’était malheureusement pas encore possible de me soulever moi-même rien qu’à la force de mes bras comme je le faisais auparavant.
C’est ainsi que je retombai de tout mon poids du mauvais côté de la barrière.
Par chance, il y avait des gens autour de moi dont la mission était clairement de faire passer les gens de l’autre côté.
Sans que je ne décide de quoi que ce soit, l’un m’attrapa une jambe, l’autre un bras et en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire je me retrouvai de l’autre côté. Cette équipe était déterminée, très efficace et visiblement plus musclée que moi.
Je montais sur la scène.
Manou, le chanteur, en me voyant grimper sur scène dit dans son micro :
– Tu vas te compromettre.
Visiblement, il m’avait lui aussi reconnue mais il ne savait pas que, comme j’étais à ce moment-là en plein sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse, me compromettre ne m’importait guère.
Je me suis ainsi retrouvée, avec une quinzaine d’autres personnes à danser sur scène avec Elmer Food Beat.
Les autres filles chantaient. Moi, je ne connaissais pas les paroles de la chanson mais ce n’était pas grave, j’étais sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse, et quand on est sur ce chemin, on peut aller danser avec un groupe sans connaître les paroles de la chanson. Je pense néanmoins pouvoir affirmer sans prendre trop de risques de me tromper que cette chanson parlait de cul.
Ce concert d’Elmer Food Beat fut un excellent moment et me fit me dire qu’en sus de mes concerts, je devrais sûrement moi aussi me mettre à écrire des chansons grivoises. Ceci me permettrait certainement de rester sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse.
Après le concert, j’ai croisé beaucoup de personnes qui se disaient très heureux de me revoir et surtout de me revoir suffisamment en forme pour aller faire n’importe quoi sur scène pendant un concert qui n’était pas le mien. Ce fut extrêmement plaisant.
Le lendemain, le surlendemain et les jours qui ont suivis, j’ai clairement subi les conséquences respiratoires et cervicales de mon n’importe quoi du samedi soir mais, à grand coup d’anti-douleurs, je ne regrettai absolument pas ce trajet sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse.
En conclusion, je dirai que même si je suis désormais sur le bon chemin du retour à la vraie vie heureuse, je ne vais pas tout de suite créer un concert de reprises, ni une batucada, ni faire une déambulation sur un gros animal en bois car ma condition physique n’est pas encore revenue à son formidable état d’origine.
Par contre, au niveau des chansons grivoises, j’avoue que je n’ai pas dit mon dernier mot.
Je vous embrasse,
Lise Prat-cherhal