30 Mai 2024
Puisque je ne pouvais pas éternellement repousser le jour où j’allais, comme un petit chien, me retrouver le nez dans ma propre situation de merde ( cf : Episode : Alors que j'en avais désormais tout à fait le droit, je ne m'étais curieusement absolument pas remise au sport….), j’ai finalement remis les pieds à la salle de sport et j’ai plus précisément, remis les pieds sur un vélo elliptique et les mains sur le guidon.
Je me suis fait violence pour reprendre cette activité car dernièrement il était plus facile pour moi de rester sur mon canapé à trier mes ordonnances, mes arrêts de travail, mes factures d’ostéopathie tout en me plaignant des délais de traitement de la CPAM.
Oui, tout cela était facile alors que remettre en mouvement un corps devenu bien mou l’était beaucoup moins.
Concernant l’état de grasse de mon corps, les avis divergeaient.
De mon côté, c’était clair et net : c’était mou, mou et au niveau de l’abdomen, il y avait du remous.
Mon mari, lui, n’était pas tout à fait de mon avis.
Il me disait :
- Mais non, tu n’es pas si flasque…
Je lui expliquais alors qu’avec tout le respect et tout l’amour que j’avais pour ses paroles, l’important dans cette situation n’était pas ce qu’il pensait. Non, l’important, concernant cet objet mou identifié comme étant un corps était plutôt ce que j’en pensais moi.
À quarante ans bien sonnés, ma priorité n’était plus de savoir ce que l’on pensait de moi, mais plutôt de conserver une bonne image de moi-même.
(on devrait d’ailleurs, à n’importe quel âge, être toujours plus attentif à ce qu’on pense de soi-même plutôt qu’être attentif à ce que pensent les autres … mais ceci est un tout autre sujet dont je ne suis pas la plus qualifiée pour parler).
Et la bonne image de moi-même, passait par le fait de me sentir moins serrée dans le seul jean qu’il me restait et dont je vous parlais dans un épisode précédent (cf: Episode : Alors que j'en avais désormais tout à fait le droit, je ne m'étais curieusement pas remise au sport )
Un beau matin, je décidais à reculons d’aller à la salle de sport en marche avant.
Je l’annonçai dans la cuisine, à qui voulait bien l’entendre.
Mon mari voulait bien l’entendre.
Il n’est d’ailleurs jamais le dernier pour m’écouter parler.
Je lui dis :
- Je vais aller à la salle de sport mais ça va être tellement dur que je vais rentrer et je vais aller me suicider en me jetant dans notre puits.
Oui, il y a un puits dans notre jardin, c’est très pratique pour arroser les tomates l’été et pour se suicider l’hiver.
Oui, même quand on a qu’un seul puits, on met un « s » à puits car c’est invariable et puis c’est tout.
Il me répondit :
- Te jeter dans le puits ? Mais tu ne vas jamais passer par le trou.
Ah ! On était bien d’accord !
Ma physionomie avait changé.
Mon mari n’est jamais le dernier pour faire des blagues et celle-ci était plutôt bonne même si elle asseyait pour de bon le fait que j’étais dernièrement devenue un peu plus large qu’à l’accoutumée et légèrement moins ferme.
La première étape, afin de faire mon retour triomphant sur un vélo elliptique fut de remettre la main sur mon sac dédié à cette activité.
Habituellement accroché à une patère derrière la porte de mon bureau, soit prêt à l’emploi, ce sac avait depuis mon accident été remisé au fond d’une étagère de la salle bain, lieu que je visitais peu durant mon arrêt de travail car je n’en éprouvais que rarement le besoin.
Que celui qui trouve l’énergie de se doucher alors qu’il ne voit personne, ne travaille pas et reste enfermé chez lui me jette le premier flacon de Tahiti Douche.
Dans la salle de bain, je retrouvai mon sac. Malheureusement à l’intérieur, pas la moindre trace de ma gourde de sport …
Mince alors, où était-elle ?
Je fis plusieurs fois le tour de la salle de bain, puis de la cuisine, puis du placard où on range tout et surtout n’importe quoi mais impossible de retrouver ma gourde.
Nul, je l’adorais cette gourde !
Elle était munie d’une pipette intégrée ce qui me permettait de m’hydrater de manière très rapide sans perdre de temps à dévisser un bouchon.
Je l’avais achetée à l’époque de la tournée du spectacle de danse « Le syndrome de Pénélope », spectacle dans lequel je chantais et je dansais et dans lequel à un moment très précis je devais, après une chorégraphie soutenue (la plus soutenue de mon point de vue), chanter le morceau le plus soutenu également tant par son débit que par sa puissance vocale.
(Ce morceau s’intitule « Style Badass », il est de Morvan Prat-Cherhal et moi-même et il est écoutable sur les plateformes de streaming …)
Pour ne pas risquer le décès par suffocation de la gorge à chaque répétition et surtout à chaque représentation, je devais absolument boire quelques gorgées d’eau entre la chorégraphie et la chanson.
Malheureusement, à ce moment du spectacle, la mise en scène ne m’octroyait que 4 secondes environ pour boire dans les coulisses.
C’était très peu.
Cette gourde à hydratation rapide était donc parfaite. Tellement parfaite qu’elle était devenue ma gourde favorite pour le spectacle mais également pour la vie en général.
Tellement parfaite que ne pas la retrouver pour mon retour triomphal à la salle de sport me contrariait beaucoup. Mais je ne me servis pas de cette contrariété pour annuler mon sport et je partis.
Arrivée à la porte de la salle, je fus bien embêtée.
C’était habituellement très simple pour moi de rentrer dans cette salle, il me suffisait de déposer mon index sur le pad prévu à cet effet. J’étais alors reconnue comme membre de la salle et la porte s’ouvrait automatiquement, sous des applaudissements.
Non, c’est faux, personne ne m’applaudissait jamais quand j’arrivais à la salle de sport. Ni quand j’en partais d’ailleurs. Ce qui, pourtant, était souvent mérité.
Mon index, ce jour-là, ne me permit absolument pas d’ouvrir la porte car mon abonnement avait été suspendu au moment même où mon arrêt de travail avait débuté.
Je n’étais donc plus membre de la salle depuis ce maudit accident. J’étais devenue n’importe qui, je ne pouvais pas entrer et j’avais un abdomen à remous.
Par chance, le patron de la salle me vit piétiner à la porte et vint m’ouvrir de l’intérieur.
Comme il ne me reconnaissait pas en tant que membre, vu mon absence des derniers mois, je lui ai rappelé mon nom et il a remis mon index en service.
C’est fou comme en quelques mois on peut se faire oublier.
Au delà de la salle de sport, être oubliée rapidement s’applique aussi à d’autres domaines de la vie, notamment à la vie professionnelle, mais ceci est un tout autre sujet.
Un sujet dont je n’ai pas forcément envie de parler maintenant.
En même temps, je ne peux pas en vouloir aux gens d’oublier le fait que je suis chanteuse car dernièrement, je l’ai moi-même un peu oublié.
Après avoir mis mes effets personnels dans un casier et fermé ce casier, je me mis sur un vélo elliptique et je commençai mon échauffement de 15 min.
Malheureusement, ce jour là, je n’ai pas fait plus que l’échauffement, j’étais beaucoup trop essoufflée. La tête commençait à me tourner et comme il est indiqué partout sur les murs de la salle de sport d’arrêter immédiatement son activité si on se sent mal, je m’arrêtai illico. Je respecte toujours ce qui est indiqué sur les feuilles A4 accrochées sur les murs des salles de sport mais aussi sur les murs des salles de spectacle, quand j’y suis.
Ce fut la séance de sport la plus courte de toute l’histoire de ma carrière sportive et de toute l’histoire du sport en général, je pense.
Je titubais vers le robinet commun du hall pour m’hydrater lentement.
Et là … que vis-je à coté du robinet commun … dans la zone des objets oubliés … je vis un objet que j’avais moi-même oublié à la salle il y a plusieurs mois : ma gourde !!!
Alleluia !!!
Ce que j’avais aussi oublié c’est qu’à cette époque, je mettais dans ma gourde de l’eau additionnée de morceaux de citrons ou de gingembre.
Et ce genre de boisson, oubliée plusieurs mois … ce n’est pas très beau à voir.
S’était développée dans cette gourde une société indépendante, avec ses propres règles, sa propre culture et sa propre odeur. C’était affreux.
J’étais catastrophée à l’idée que ma joie d’avoir retrouvé ma gourde se transforme aussi rapidement en déchirement de devoir la mettre illico à la poubelle pour des raisons sanitaires.
C’est pourtant ce que je fis.
Après avoir anéanti cette société indépendante, je me dirigeais vers les casiers pour récupérer mon sac non indépendant. Devant la porte du casier fermé par mon propre cadenas, je fus interdite.
Quel était le code de mon cadenas ? mon propre cadenas ! Cela faisait tellement longtemps que je ne l’avais pas utilisé que j’avais oublié le code pour le déverrouiller.
Quelle tuile !
Mon cadenas avait trois molettes chacune numérotée de 0 à 9. J’avais donc 999 possibilités de code … Méga tuile.
Je fis un rapide calcul. Si on considérait que j’allais mettre une seconde par essai de combinaison à trois chiffres, il me faudrait 16 minutes et 39 secondes pour essayer les 999 combinaisons possibles. J’allais passer plus de temps à retrouver mon code que de temps sur le vélo elliptique. J’avais vraiment gagné ma journée.
Par chance au bout de 3 minutes et 40 secondes, alléluia, mon cadenas s’ouvrît !
J’ai bien conscience que désormais, quiconque à quelques notions de mathématiques, peut aisément trouver la combinaison de mon cadenas à code. Ce n’est pas grave. J’ai une confiance aveugle dans mon lectorat et je sais qu’au niveau de mon casier de sport, il ne se passera jamais rien.
C’est ainsi que se termine cet épisode.
Pour conclure je dirai que malgré la présence de ce puits dans ce qui est encore actuellement mon jardin, je ne m’y suis visiblement pas suicidée. J’en veux pour preuve ma présence en ce moment devant mon ordinateur pour rédiger cet épisode.
Je vous embrasse, je suis contente d’être enfin arrivée au bout de la rédaction de ce texte.
A bientôt pour la suite des aventures,
Lise