La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.
28 Février 2018
C'est donc en Martinique que la tournée laboratoire s'est poursuivie.
La veille du premier concert, j'étais arrivée seule à Fort-de-France et je trouvais que c'était un peu fort de café.
Morvan ne pouvait pas partir avec moi car il jouait avec son groupe Renégats dans un endroit dont j'ignore tout.
Il m'a donc rejointe le lendemain.
J'aurais pu, me direz vous, l'attendre et partir avec lui le lendemain, c'eût été sympa, mais je ne l'ai pas fait car, humainement, ce n'était pas possible.
En effet, je supporte très mal le décalage horaire et les pertes de repères en général. J'avais donc besoin d'un sas de 24h d'adaptation, comme à la crèche, pour arriver en forme humaine sur le lieu du premier concert.
Je suis donc partie en avance.
Durant ces 24h, et avant d'aller chercher Morvan à l'aéroport, j'ai suivi à la lettre tout un protocole que j'avais inventé en m'inspirant de divers sites internet traitant du syndrome du voyageur (protocole que je détaillerai sur mon blog en construction, car ça peut servir à autrui qui me ressemble à ce niveau ).
(Morvan trouvant très malin de rajouter "si tant est qu'une telle personne existe).
Toujours est-il que j'ai ainsi retrouvé un comportement quasi normal à son arrivée.
J'ai donc eu la grande joie d'aller le cueillir à l'aéroport le samedi, à bord de notre C3 bleue de location.
Et, sincèrement, si un jour on m'avait dit que j'allais faire une tournée dans les Caraïbes à bord d'une C3 bleue, j'aurais rigolé, d'ailleurs je rigole.
Ah, ah!
Ah, ah!
Ah, ah, ah !
Bref, à son arrivée, il fut extrêmement surpris de me trouver en forme.
Il m'a dit :
"Mais j'étais persuadé que j'allais trouver une grosse loque ! ".
Il m'adore. C'est évident.
Il avait sûrement en mémoire notre toute première tournée au Canada durant laquelle le décalage horaire et les paysages inconnus m'avaient fait perdre la raison.
Saloperie de syndrome !
Traditionnellement, le syndrome du voyageur apparaît en Inde, ou dans des pays qui diffèrent vraiment de notre pays d'origine.
Mais moi, je suis cap de faire un syndrome du voyageur en Martinique, au Canada et même en Suisse.
C'est un peu usant mais je me pardonne et je m'accepte telle que je suis.
C'est ça ma force.
Sur la route de l'aéroport Aimé Césaire, j'écoutais Chérie FM. Beverly Craven chantait très fort "Promise me, you'll wait for me". Je chantais et ça me rendait très joyeuse, même si ça ne me rajeunissait pas.
À partir du moment, où Morvan a posé ses fesses dans la C3, les heures de Chérie FM ont été comptées et je n'ai bientôt plus eu le droit d'allumer cette radio parce qu'il trouve qu'il y a des limites quand même.
Ça m'a énervée.
Mais ma joie de le retrouver l'a vite emporté sur mon énervement de ne plus pouvoir écouter Chérie FM.
Et nous sommes arrivés sur le premier lieu de concert : Le Garage Popular. Pas populaire, non, popular.
Freddo, qui allait nous accompagner sur toutes les dates Martiniquaises, était là.
Il avait tout installé, monté le système son, amené nos instruments de location.
Bref, tout était à notre disposition et en état de fonctionnement, tout comme moi.
Nous suions à grosses gouttes pendant la balance.
La télé du bar était allumée et marchait fort. Ceci m'a permis de savoir, tout en branchant mon clavier, ce qu'était devenue Carla Bruni, mais depuis j'ai oublié.
Le soir, avant de jouer, nous avons été rejoints par une quinzaine de dessinateurs de bd qui étaient invités par le festival de BD de Trinité
Je n'en avais jamais vu autant, de dessinateurs.
Il y avait même celui qui fait Boule et Bill. Ça m'a impressionnée
Je suis très impressionnable.
On a tous mangé sur une grande table.
Il faisait nuit dehors mais la température était toujours exorbitante. Le serveur a annoncé qu'on allait manger un "pâté en pot au Lambi".
J'ai fait comme si je trouvais que c'était une bonne nouvelle, mais en fait je ne savais pas vraiment ce que c'était.
Et c'était une soupe.
Morvan était déçu car il est contre la soupe. Il est aussi contre les chaussons, et les pyjamas.
Mais comme ce plat liquide était bon et que le tout était arrosé de Rhum il n'a pas râlé.
Et on a joué. Et il faisait vraiment très chaud.
Pendant qu'on jouait, les gens du bar étaient invités à faire des dessins de comptoir sur des petites feuilles.
C'était marrant.
Des allemands parlaient très fort en allemand, et ce, à deux mètres de moi.
C'était vraiment un autre espace-temps.
J'ai perdu 3 kilos sous forme liquide.
Après le concert, un musicien du coin nous a dit
"C'est vachement travaillé votre truc, ça nous change, on n'a pas l'habitude ici de voir quelqu'un faire de la musique avec une station spoutnik aux pieds ."
Il parlait du pédalier de Morvan.
C'était un compliment.
Un dessinateur m'a dit que c'était couillu de monter sur scène pour chanter ce que je chantais. J'ai donc été agréablement surprise de voir que, malgré la grosse foire ambiante, mes propos avaient atteint un auditoire, en sueur, mais un auditoire quand même.
Après nous, c'était la chanteuse Nenetto. J'aimais bien son nom et sa manière de chanter en créole.
Et puis, on a rangé nos affaires, Freddo a mis la sono dans sa voiture et on est partis.
C'était encore la nuit, mais il faisait toujours aussi chaud.
Morvan a failli s'endormir au volant tellement il était fatigué après un voyage et un concert.
Ça a fait très peur à la copine qui nous suivait en voiture.
Le lendemain, en l'entendant décrire la manière dont notre C3 vacillait sur l'autoroute, on a eu très peur aussi et on décidé que d'ici à ce que Morvan soit totalement remis du décalage horaire, c'est moi qui conduirai désormais le soir après les concerts et que de ce fait, je ne boirai pas d'alcool.
Ni de rhum.
C'est donc ce que j'ai fait par la suite.
Et j'ai bien fait, puisque je suis encore là pour en parler.
Durant la nuit, nous avons été copieusement dérangés par les cris des grillons.
Nous apprîmes plus tard qu'il ne s'agissait pas de cris de grillons mais de grenouilles.
J'ai encore un peu de mal à le croire ... mais je l'accepte néanmoins.
Voilà, c'était notre premier concert en Martinique.
À très bientôt pour la suite des comptes rendus de tournée.
Je vous embrasse,
Liz