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La vie extraordinaire d'une chanteuse normale.

LE BLOG DE LISE PRAT-CHERHAL

Je suis une marraine.

Je suis une marraine.

Il y a quelques mois, j’ai reçu un message du directeur du Lycée Charles Péguy de Gorges.
Il me demandait si j’accepterais de devenir la marraine de leur toute nouvelle école des arts du spectacle.
Allons bon. 
J’ai été vraiment très surprise de cette demande et je n’ai pas su quoi répondre tout de suite, ne sachant pas exactement ce que signifiait "être une marraine". 

J'ai donc cherché la définition du terme "marraine" dans le dictionnaire. 

Enfin, dans le dictionnaire d'internet, car j'ai beau avoir un énorme dictionnaire dans ma bibliothèque, dictionnaire acheté à prix d'or par mes parents en 1989 à deux démarcheurs peu scrupuleux allant de porte en porte, en convaincant les parents-ouvriers de classes populaires et moyennes que l'achat de ce dit dictionnaire allait permettre à coup sur la réussite scolaire de leur progéniture... je disais donc que j'ai beau avoir cet énorme dictionnaire chez moi, que je garde car il fait partie de mon patrimoine, il est tellement peu maniable que je ne l'ouvre que très rarement au profit d'objets connectés dont l'accès si facile me fait parfois perdre du temps au lieu de m'en faire gagner. 

Toujours est-il que j'ai trouvé (et peu importe l'endroit) la définition de "marraine".

Alors une marraine est une personne qui accompagne, guide, donne l'exemple ou fait entrer quelqu'un dans un club. 

Moi, une marraine ? 
Moi, un exemple ? 
Moi, un guide ? 
Moi, faire entrer quelqu'un dans mon club ? 
Dans mon club de quoi ?

Tout ceci me semblait un peu saugrenu. 
Je ne suis pas une star et je ne me sens pas être un exemple à suivre ... 
Être une marraine, c'est un sacré rôle, serai-je seulement à la hauteur de la mission ? 
Pourquoi me demandait-on de devenir un guide ?
Qu'est ce qui, dans ma vie, justifiait qu'on me confie un tel rôle ? 
Cette école n’était-elle tout simplement pas en train de faire n’importe quoi en me faisant cette proposition ? 

Ne sachant que répondre à toutes ces questions, mais étant persuadée que je ne trouverai les réponses ni dans un dictionnaire ni sur internet, j'ai décidé de m’assoir par terre et de réfléchir sur moi-même pour trouver les réponses dont j’avais besoin. 
Ainsi, assise sur mon tapis gris Hampen à poils hauts, j’ai commencé à faire pour moi même une petite rétrospective des moments marquants de ma vie professionnelle.
Peut-être allais-je y trouver des réponses ?

Et en rejouant tout dans ma tête, je me suis rendue compte que j'en avais connu des choses.
Je faisais des concerts depuis 2003, je gagnais ma vie grâce à ça depuis 2005. 
J'avais connu des années creuses, et je payais désormais des impôts. 
J'avais fait trois disques sous mon nom. 
J'en avais réalisé un et j'avais fait réaliser les 2 autres.
J'avais fait deux longues tournées et je démarrais ma troisième. 
J'avais écrit deux livres disques pour enfants.
J'avais connu l'autoproduction (mes deux premiers albums) et j'étais désormais signée en maison de disque.
J'avais embauché des gens, et j’avais parfois dû en virer. 
J'avais traversé la France de part en part pour jouer partout où on m'y invitait et j'avais traversé l'Atlantique plusieurs fois pour jouer au Canada. 
J’avais salué des gens connus. J’avais fait la bise à certains et à un j’avais … enfin, bref. 
J'avais mis mon réveil à 5h du matin pour aller sur des plateaux de tournage de clip.
J'avais été arrêtée plusieurs fois dans la rue par des gens qui me disait "Vous êtes Liz Cherhal ?"
J'avais la plupart du temps répondu oui mais j'avais répondu non une fois parce que je n'étais pas très en forme. 
J'avais été sur des plateaux télé en taxi et dans des studios de radio en Uber. 
J'avais fait des premières parties et j'en avais désormais. 
J'avais gagné des prix pour mes concerts. 
J'avais été escroquée deux fois par des gens de la profession à 5 ans d'intervalle.
J’avais acheté d’occas’ l’ancien micro HF de Didier Gustin et, à cause de l’Etat Français qui avait vendu à des opérateurs téléphoniques les fréquences que j’utilisais, je ne pouvais désormais plus m’en servir.
J’avais essayé de le vendre mais, bien sûr, ça n’avait pas marché. 
J’avais depuis acheté le même micro voix que Céline Dion et il marchait très bien. 
J’avais fait croire que l’utilisation de ce micro me faisait parler avec un accent québécois.
J'avais signé des autographes sur des disques, sur de petits carnets, sur des tickets de concert, sur des feuilles volantes, sur des cahiers de classe, sur des bras et sur des gourdes. 
J’avais acheté des sandwichs dans des stations d’autoroute. 
J’avais trouvé ça dégueulasse, mais j’avais recommencé. 
J’avais décidé de ne plus dépenser un centime dans les machines à café de ces mêmes stations, mais comme j’avais oublié ma thermos chez moi, j’avais aussi recommencé. 
J’avais partagé ma loge avec des gens sympas, parfois avec des gens désagréables, et parfois avec des gens qui me faisaient peur. 
J’avais reçu des fleurs des jours où je ne m’y attendais pas, et je n’avais rien reçu un jour où j’aurais aimé en avoir. 
J’avais fait des allers-retours Nantes-Paris pour des rendez-vous professionnels qui étaient parfois inutiles. 
J'avais été coiffée par des coiffeurs et maquillée par des maquilleurs qui avaient maquillé Carla Bruni.  
J'avais été victime d'un troll sur internet. 
J'avais pris des trains, des camions et des avions avec mes instruments. 
J’avais vu l’intérieur de mon accordéon grâce aux machines à rayons x des aéroports. 
J’avais vu Morvan se faire fouiller et embarquer par des agents de sécurité à cause de son air peu avenant. 
J’avais eu peur de ne plus jamais le revoir mais j’avais eu la joie de le retrouver. 
J’avais déjeuné avec des diplomates. 
J’avais été rebaptisée plusieurs fois par des journalistes ou des présentateurs de soirées. On m’avait ainsi appelée : Liz Shirley, Liz Cheryl, Liz Chenal et même une fois Aurélie Cabrel. 
J'avais dormi dans des hôtels où la chambre coûtait plus cher que mon cachet et puis j'avais aussi dormi par terre dans un studio d'enregistrement. 
J’avais joué dans un zénith, à l’Olympia mais aussi dans des bars et des MJC. 
J'avais été interviewée par Michel Field et j'avais serré la main de Michel Drucker.

J'avais plusieurs fois eu l'envie de tout arrêter, en décembre en général, et j’avais finalement toujours retrouvé du poil de la bête, au mois de mars en général, pour repartir. 

Je ne pense pas que tout ça fasse de moi quelqu'un de plus intéressant ou de plus valeureux qu'autrui mais, probablement qu’en 15 ans de vie dans le spectacle et la musique, j'ai vécu, j'ai appris, j'ai compris et je peux désormais transmettre une once de ce qui m'a construite et de ce qui me fait vivre désormais. 

Je suis très heureuse de le faire auprès des étudiants du Lycée Charles Péguy dont je suis devenue, contre toute attente, la marraine. 

A très bientôt, 

Liz Cherhal 

Ps : Ci-joint, une photo de moi-même devant le dit lycée.
Ps2 : Le lycée était était fermé au moment du shooting. 
Ps3 : J’ai voulu escalader la grille pour me retrouver de l’autre côté car je trouvais ça moche de faire une photo devant une grille. 
Ps4 : Mon fils m’a dissuadée de le faire. 
Ps5 : C’est vraiment le monde à l’envers.

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